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Une nouvelle approche d’immunothérapie permet de rediriger les anticorps contre le virus d’Epstein-Barr vers des cellules responsables de maladies

Visualisation en microscopie d’une cellule cancéreuse (noyau en bleu) traitée avec des protéines de fusion bi-modulaires (BMFPs) sur lesquelles se fixent des anticorps anti-EBV (en vert). © Jean-Philippe Semblat et Arnaud Chêne – UMR1134 (Inserm/Université de Paris)

La thérapie par anticorps monoclonaux peut s’avérer très efficace dans le traitement de nombreuses maladies comme les cancers, les maladies inflammatoires chroniques ainsi que certaines maladies d’origine infectieuse. Cependant, il s’agit d’un traitement coûteux fondé sur l’utilisation de molécules compliquées à produire. Identifier de nouvelles alternatives thérapeutiques est donc essentiel pour permettre au plus grand nombre de patients d’accéder aux traitements dont ils ont besoin. A cette fin, des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, d’Université de Paris, de Sorbonne Université et du CNRS[1] ont conçu et testé une nouvelle approche d’immunothérapie reposant sur l’utilisation d’anticorps préexistants dirigés contre le virus d’Epstein-Barr (de la famille des virus de l’herpès), présents chez plus de 95 % de la population mondiale, pour cibler et détruire des cellules pathogéniques (responsables de maladies). Les résultats viennent d’être publiés dans une étude dans la revue Science Advances.

Les anticorps monoclonaux ont permis des avancées thérapeutiques majeures dans de nombreux domaines de la médecine. En France, plusieurs dizaines d’anticorps monoclonaux sont commercialisés aujourd’hui pour le traitement de cancers, de maladies inflammatoires chroniques (polyarthrite rhumatoïde, sclérose en plaques, psoriasis, …) ou pour prévenir les rejets de greffe.

Produits pour la plupart d’entre eux dans des cellules de mammifères, ces médicaments demeurent toutefois complexes à développer et coûteux à fabriquer. En conséquence, l’accès à ces thérapies est encore restreint pour de nombreux patients dans de nombreux pays. Afin de proposer de nouvelles solutions thérapeutiques qui pourraient compléter les traitements existants ou offrir de nouvelles possibilités thérapeutiques pour des maladies pour lesquelles il n’en existe pas encore, des scientifiques de l’Inserm, du CNRS, de Sorbonne Université et d’Université de Paris ont conçu une nouvelle approche d’immunothérapie.

Le principe est de rediriger une réponse immunitaire préexistante contre le virus d’Epstein-Barr (EBV) vers des cellules cibles que l’on cherche à détruire. Le virus d’Epstein-Barr – qui appartient à la famille des virus de l’herpès – est transmissible principalement par la salive et touche plus de 95 % de la population mondiale.

La grande majorité des personnes ne présente pas de symptômes et le virus a la capacité de persister de façon chronique chez les personnes infectées, sous le contrôle efficace du système immunitaire. En conséquence, des anticorps anti-EBV circulent chez ces personnes durant toute leur vie.

Développer un outil thérapeutique fondé sur le recrutement de ces anticorps anti-EBV déjà présents chez les patients présente un intérêt majeur pour réorienter cette réponse immunitaire contre des cellules cibles prédéfinies en fonction de la maladie à soigner. Cette immunothérapie pourrait être applicable chez un très grand nombre de patients du fait de la présence des anticorps anti-EBV chez quasiment tous les individus.

 

Un nouveau système prometteur

Les chercheurs et chercheuses ont conçu des protéines particulières, dites protéines de fusion bi-modulaires (BMFPs). Celles-ci sont composées d’un domaine qui va se fixer spécifiquement à un antigène exprimé à la surface de la cellule cible que l’on cherche à détruire. Ce domaine est par ailleurs fusionné à l’antigène EBV-P18 du virus Epstein-Barr contre lequel des anticorps de type IgG[2] sont déjà présents chez le patient. Le recrutement de ces anticorps à la surface des cellules cibles traitées avec les BMFPs va alors activer les défenses immunitaires de l’organisme. Cela aboutira à la destruction des cellules ciblées.

Les chercheurs et chercheuses ont d’abord testé ce système in vitro en utilisant plusieurs cellules cibles et ont montré qu’il permettait de déclencher efficacement différents mécanismes du système immunitaire capables d’éliminer les cellules ciblées.

Les BMFPs ont ensuite été façonnées pour cibler un antigène exprimé à la surface de cellules tumorales et ont été testées dans un modèle animal de cancer. Les résultats sont prometteurs puisque le traitement a conduit à une augmentation significative de la survie ainsi qu’à une rémission totale du cancer chez certains animaux.

« Ces résultats positionnent les BMFPs comme de nouvelles molécules thérapeutiques qui pourraient s’avérer utiles dans le traitement de multiples maladies. En effet, il s’agit d’un système très versatile, puisque l’on peut aisément changer le module de liaison et donc l’antigène ciblé pour adapter le traitement à de nombreuses maladies, dans le domaine du cancer, de l’infectiologie mais aussi des maladies auto-immunes », explique Arnaud Chêne, chargé de recherche Inserm et dernier auteur de l’étude.

« Les BMFPs sont bien plus faciles et rapides à produire que les anticorps monoclonaux entiers, sans avoir recours à une ingénierie sophistiquée pour optimiser leurs fonctions, ce qui permettra de réduire les coûts et d’ouvrir l’accès à ces thérapies à un plus large spectre de patients », ajoute Jean-Luc Teillaud, directeur de recherche émérite à l’Inserm.

 « En attendant de pouvoir mettre sur pied des essais cliniques contre diverses maladies, allant du cancer au paludisme, la technologie a d’ores et déjà donné lieu aux dépôts de deux brevets. » précise Benoît Gamain, directeur de recherche au CNRS.

 

[1] Deux laboratoires ont été impliqués dans ces travaux : « Biologie intégrée du globule rouge » (U1134 Inserm/Université de Paris) et « Centre d’immunologie et des maladies infectieuses » (U1135 Inserm/Sorbonne Université/CNRS).

[2] Les IgG représentent le principal type d’anticorps trouvé dans le sang et participent à la réponse immunitaire secondaire.

Une thérapie génique à l’étude contre la maladie de Steinert

La maladie de Steinert est due à une répétition anormale d’une petite séquence d’ADN au niveau du gène DMPK. © Unsplash

La dystrophie myotonique de type 1 (DM1) ou maladie de Steinert est une maladie neuromusculaire génétique rare et invalidante, qui touche de nombreux organes et dont l’issue est fatale. Aucun traitement n’est disponible à ce jour pour les malades. Forts de précédentes recherches sur les causes moléculaires de la maladie, des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, du CNRS, de Sorbonne Université, du CHU Lille et de l’Université de Lille, en partenariat avec l’Institut de myologie, au sein du Centre de recherche en myologie et du centre Lille neuroscience & cognition, ont développé et testé une thérapie génique prometteuse qui agit directement sur l’origine de la maladie. Les premiers résultats publiés dans Nature Biomedical Engineering  montrent, chez la souris, une correction des altérations moléculaires et physiologiques du muscle squelettique[1].

La dystrophie myotonique de type 1 (DM1) ou maladie de Steinert est une maladie neuromusculaire génétique et héréditaire rare qui touche environ 1 personne sur 8 000. Invalidante et mortelle, cette affection est dite « multisystémique » car, elle touche à la fois les muscles (affaiblissement et atrophie des muscles appelés « dystrophie », défaut de relaxation musculaire appelé « myotonie »), mais aussi d’autres organes (appareil cardiorespiratoire, système digestif, système nerveux…). Elle s’exprime et évolue très différemment d’un malade à l’autre et n’a pour l’heure pas de traitement.

Elle est due à une répétition anormale d’une petite séquence d’ADN (triplet CTG[2]) au niveau du gène DMPK (Dystrophie Myotonine Protéine Kinase) situé sur le chromosome 19. Chez un individu sain, cette séquence est présente mais répétée 5 à 37 fois. En revanche, chez les patients atteints de DM1, on observe une mutation qui se traduit par une augmentation du nombre de triplets, pouvant atteindre plusieurs milliers de répétitions.

À propos des mécanismes permettant l’expression des gènes

Pour conduire à la production d’une protéine, un gène (localisé dans le noyau de la cellule) est d’abord transcrit en une molécule d’ARN. Pour devenir un ARN messager (ARNm), il va subir une maturation, passant notamment par un épissage : schématiquement, la molécule est coupée en morceaux dont certains sont éliminés et d’autres joints. Grâce à ce processus finement régulé, un seul gène peut conduire à la synthèse de différents ARNm, et donc de différentes protéines. Après l’épissage, l’ARNm mature sera finalement traduit en protéine, à l’extérieur du noyau cellulaire. 

Dans la maladie de Steinert, le gène muté est transcrit mais les ARNm mutants sont retenus dans le noyau des cellules sous forme d’agrégats caractéristiques. En effet, dans les cellules des personnes atteintes de DM1, les protéines MBNL1 qui se lient normalement à certains ARN pour réguler leur épissage et leur maturation, sont « capturées » par les ARN porteurs de la mutation.

Ainsi séquestrées dans les agrégats, il leur est impossible d’exercer leurs fonctions, ce qui entraîne la production de protéines non, ou moins, fonctionnelles, dont certaines ont été associées à des symptômes cliniques.

L’équipe dirigée par Denis Furling, directeur de recherche CNRS, au sein du Centre de recherche en myologie (Inserm/Sorbonne université/Institut de myologie), en association avec celle de Nicolas Sergeant, directeur de recherche Inserm du centre Lille neuroscience & cognition (Inserm/Université de Lille/CHU Lille), s’est intéressée à une stratégie thérapeutique visant à restaurer l’activité initiale de MBNL1 dans les cellules musculaires squelettiques exprimant la mutation responsable de la maladie de Steinert.

Pour cela, les scientifiques ont conçu par ingénierie des protéines modifiées présentant, comme la protéine MBNL1, des caractéristiques de liaison aux ARN porteurs de la mutation et agissant par conséquent comme un leurre pour ces ARN.

Ils ont observé en exprimant ces protéines leurres in vitro dans des cellules musculaires issues de patients atteint de DM1, qu’elles étaient capturées par les ARN mutés en lieu et place des protéines MBNL1. Ces dernières, étaient alors libérées des agrégats d’ARN mutés et retrouvaient leur fonction normale. Ainsi, les erreurs d’épissage présentes initialement dans ces cellules disparaissaient. Enfin, l’ARN muté lié aux protéines leurres s’avérait moins stable et pouvait être plus facilement et efficacement éliminé par la cellule.

Agrégats d’ARN-DMPK mutant contenant des répétitions pathologiques de triplets (rouge) visualisées par FISH/IF dans les noyaux (bleu) de cellules musculaires (vert) isolées de patients atteint de Dystrophie Myotonique de type 1. ©Denis Furling et Nicolas Sergeant

L’équipe de recherche a ensuite transposé cette technique dans un modèle animal afin de vérifier la validité de cette approche in vivo. À l’aide des vecteurs viraux utilisés en thérapie génique, les protéine leurres ont été exprimées dans le muscle squelettique de souris modèles de la maladie de Steinert. Chez ces dernières, une seule injection a permis de corriger efficacement, sur une longue durée et avec peu d’effets secondaires, les atteintes musculaires associées à la maladie, en particulier les erreurs d’épissage, la myopathie et la myotonie.

« Nos résultats soulignent l’efficacité contre les symptômes de la maladie de Steinert, d’une thérapie génique fondée sur la production par bio-ingénierie de protéines leurres de liaison à l’ARN possédant une forte affinité pour les répétitions pathologiques présentes dans l’ARN muté, afin de libérer les protéines MBNL1 et de retrouver leurs fonctions régulatrices », déclare Denis Furling. Cependant les auteurs pointent que des études additionnelles sont nécessaires avant de pouvoir transposer cette thérapie en étude clinique.

« Ces travaux ouvrent la voie au développement de solutions thérapeutiques dans le cadre d’autres maladies dans lesquelles des répétitions pathologiques dans l’ARN entraînent une dysfonction de la régulation de l’épissage », conclut Nicolas Sergeant.

 

[1] Le muscle strié squelettique est le muscle qui est attaché au squelette par les tendons et qui, par sa capacité à se contracter, permet d’effectuer des mouvements précis dans une direction bien définie.

[2] La séquence de codage d’un gène est composée d’un enchaînement de différentes combinaisons de 4 acides nucléiques : adénine, guanine, cytosine et thymine (remplacé par uracile dans l’ARN). Ceux-ci sont organisés en triplets (ou codons), dont la bonne « lecture » par la machinerie cellulaire permet l’expression d’une protéine.

Signature du premier contrat d’objectifs de moyens et de performance entre l’Inserm et l’État

Signature du contrat d’objectifs, de moyens et de performance entre l’État et l’Inserm le 4 février 2022, en présence de Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation et Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé et Gilles Bloch, PDG de l’Inserm. ©Inserm

« Une nouvelle impulsion pour la recherche en biologie santé », telle est l’ambition du contrat d’objectifs, de moyens et de performance de l’Inserm signé le vendredi 4 février 2022 par Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation et Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé et Gilles Bloch, PDG de l’Inserm.

Ce contrat matérialise une vision partagée de la recherche biomédicale et en particulier de la feuille de route de l’Inserm pour les années à venir ainsi que l’engagement à la rendre concrète. Il s’inscrit dans les missions de l’Inserm et dans les orientations stratégiques définies par ses tutelles, notamment par la loi de programmation de la recherche et la stratégie nationale de santé ainsi que le plan France 2030.

A l’occasion de cette signature Gilles Bloch a tenu à « remercier les ministres pour leur confiance réitérée à l’Inserm. Il a souligné que « ce nouveau contrat donnait les moyens à l’Inserm de porter l’ambition d’une recherche d’excellence au service de la santé de chacun et au service de l’innovation pour tous les citoyens. »

De par sa taille, son large spectre d’activités et son expertise reconnue, l’Inserm un rôle pivot dans la structuration et l’orientation de la recherche biomédicale française, en lien avec ses tutelles ministérielles en recherche et en santé. Son activité fait de l’Inserm la première institution publique en Europe dans le champ de la recherche en santé. L’enjeu de ce contrat entre l’Etat et l’Inserm est de produire une science au meilleur niveau mondial, de cultiver le terreau fertile des futures grandes découvertes biomédicales, et d’offrir le meilleur service rendu à la santé de chaque citoyen.

Le Contrat d’objectifs, de moyens et de performance de l’Inserm est aligné dans son ambition avec les priorités de la loi de programmation de la recherche (LPR).

Il fait également écho à la priorité donnée à la santé publique et à la prévention et reprend les objectifs de l’axe dédié à la recherche dans la stratégie nationale de santé, que ce soit en matière de développement des connaissances, de soutien aux innovations médicales, technologiques et organisationnelles ou encore d’accélération de l’innovation numérique.

Enfin, le Contrat est le miroir opérationnel du Plan stratégique 2020-2025 de l’Inserm et décline les 4 priorités suivantes, auxquelles il associe des actions et des moyens :

  1. Renforcer le continuum de la recherche en santé, tout en favorisant les recherches en rupture
  2. Renforcer la capacité de l’Inserm à mettre en œuvre ses choix en synergie avec ses partenaires publics et privés sur le territoire, à l’Europe et à l’international
  3. Mieux irriguer les laboratoires en rénovant la politique des ressources humaines et en simplifiant le travail administratif
  4. Accélérer le développement d’une science ouverte et responsable et renforcer la place de la science pour la santé dans notre société

La pandémie causée par le coronavirus SARS-CoV-2 a mis en lumière l’importance d’une recherche réactive et coordonnée sur l’ensemble du continuum de la recherche biomédicale et de la santé publique, priorité que porte l’Inserm depuis sa création. Elle a également montré la nécessité de renforcer dans la durée la recherche de notre pays pour garantir sa souveraineté et sa compétitivité internationale.

Prédire la fatigue sévère dès le diagnostic de cancer du sein grâce à un algorithme

Photo d'imagerie en microscopie électronique montrant la transformation des cellules mammaires tumorales dans le cancer du sein

Transformation des cellules mammaires tumorales dans le cancer du sein. Crédits : Xavier Coumoul / Inserm/Université de Paris

Plus du tiers des femmes traitées pour un cancer du sein déclarent subir une fatigue sévère plusieurs années après le diagnostic. En explorant les données issues de la cohorte CANTO promue par Unicancer, des médecins-chercheurs de Gustave Roussy et de l’Inserm ont développé un algorithme prédictif de fatigue sévère qui calcule le score de risque lors du diagnostic de ce cancer. Il s’agit d’un outil de prévention personnalisée essentiel pour orienter précocement vers des stratégies de prise en charge ciblées. Les résultats de leur étude ont été publiés dans la revue Journal of Clinical Oncology (JCO).

La fatigue est l’une des principales séquelles liées au cancer du sein. Elle est dite « sévère » lorsqu’elle a un impact majeur dans les activités de la vie quotidienne et contribue à une dégradation importante de la qualité de vie. 35,6 %, 34 %, et 31,5 % des femmes en éprouvent les symptômes respectivement un an, deux ans et jusqu’à quatre ans après le diagnostic. Pour autant, il n’existait à ce jour aucun outil disponible pour aider les cliniciens à la repérer précocement et ainsi mieux prendre en charge ce symptôme invalidant au quotidien. 

Une équipe composée de médecins-chercheurs de Gustave Roussy et de l’Inserm, vient de mettre au point un algorithme prédictif du risque d’apparition de fatigue sévère dès le diagnostic d’un cancer du sein et jusqu’à 2 ans et 4 ans après, hors rechute.

Conduite par le Dr Antonio Di Meglio et la Dr Inès Vaz-Luis, oncologues dans le département d’oncologie médicale de Gustave Roussy et chercheurs dans le laboratoire Inserm U981, l’étude vient d’être publiée dans le JCO.

Six facteurs de risques majeurs identifiés

Pour développer ce modèle prédictif, l’équipe a travaillé à partir des données de l’étude CANTO, une vaste cohorte de femmes atteintes d’un cancer du sein localisé (stade 1 à 3), enrôlées dès le diagnostic de la maladie et jusqu’à une période de 4 ans après. L’utilisation de plusieurs échelles et questionnaires (Qualité de vie de l’EORTC), évaluant le besoin de repos par exemple, ont permis aux chercheurs d’établir un score de fatigue global. L’outil a également englobé les différentes composantes de la fatigue qu’elle soit physique, émotionnelle et cognitive.

Sur cette base, les chercheurs ont mis en lumière six principaux facteurs de risques cliniques et comportementaux déterminants d’une fatigue sévère : le jeune âge, en lien avec le statut de la pré-ménopause, un indice de masse corporel (IMC) élevé, le tabagisme, l’anxiété, l’insomnie, et la douleur ressentie avant le début des traitements, ainsi que la fatigue préexistante au moment du diagnostic de cancer du sein. Antonio Di Meglio et Inès Vaz-Luis rapportent également le rôle que joue l’hormonothérapie, surtout sur l’augmentation du risque de fatigue sévère 4 ans après le diagnostic. Plusieurs variables d’intérêt ont été prises en compte pour être intégrées à l’outil, dont l’état clinique de chaque femme au moment du diagnostic, les éventuelles maladies (chroniques) associées, ainsi que le statut marital et le niveau socio-éducatif.

« Cet algorithme prédictif est un précieux outil à destination des cliniciens. Il doit leur permettre d’étudier plus précisément les facteurs de risque liés à ce symptôme invalidant, dont les facteurs comportementaux modifiables et les symptômes concomitants, au moment du diagnostic d’un cancer du sein » explique le Dr Di Meglio.

Les stratégies de prise en charge pourront ainsi être adaptées au cas par cas.

Selon leur score et profil personnalisé, les patientes se verront proposer un soutien psychologique, des séances d’activité physique adaptées, de méditation pleine conscience, un accompagnement pour un sevrage tabagique ou encore des conseils nutritionnels.

L’objectif est d’anticiper et personnaliser les parcours de soins dans une approche holistique du cancer.

A propos de la cohorte CANTO

L’étude CANTO, promue par Unicancer, vise à améliorer la qualité de vie des femmes porteuses d’un cancer du sein. Elle a pour objectif de décrire les toxicités, d’identifier les populations susceptibles de les développer et d’adapter les traitements en conséquence pour garantir une meilleure qualité de vie. L’étude CANTO (pour CANcer TOxicities) est une étude dite de cohorte, c’est-à-dire qu’elle vise à suivre sur le long-terme un grand nombre de personnes. CANTO accompagnera pendant dix ans plus de 12 000 femmes traitées pour un cancer du sein.

L’objectif de CANTO est de quantifier et de prévenir les toxicités chroniques liées aux traitements (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie, hormonothérapie…). Sa finalité est d’améliorer la qualité de vie des femmes traitées pour un cancer du sein localisé en prévenant les effets toxiques des traitements. Elle s’inscrit dans un des axes du Plan Cancer 2 : la vie après le cancer.

Mieux comprendre comment certaines bactéries capturent des gènes de résistance dans leur environnement

La résistance aux antibiotiques rend aujourd’hui intraitables certaines infections parfois communes, comme les infections urinaires et respiratoires, représentant un recul majeur dans la prise en charge médicale des patients. © Unsplash

La résistance aux antibiotiques rend aujourd’hui intraitables certaines infections parfois communes, comme les infections urinaires et respiratoires, représentant un recul majeur dans la prise en charge médicale des patients humains mais également animaux. Cette résistance est ainsi devenue un enjeu majeur de santé, qui a conduit l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) à établir une liste de bactéries chez qui la résistance aux antibiotiques est particulièrement préoccupante. Dans une nouvelle étude publiée dans la revue mBio, des chercheuses et chercheurs de VetAgro Sup, de l’Inserm et du CNRS[1] se sont intéressés à l’une de ces bactéries particulièrement résistantes aux antibiotiques, Acinetobacter baumannii. Cette dernière est responsable de nombreuses infections opportunistes et nosocomiales. Les scientifiques ont déterminé les mécanismes permettant à cette bactérie de rapidement acquérir des gènes de résistance à partir de bactéries voisines.

La bactérie Acinetobacter baumannii est responsable d’infections opportunistes (infections causées par des germes habituellement peu pathogènes mais qui provoquent des infections chez les personnes ayant un système immunitaire déficient) et parfois nosocomiales (acquises à l’hôpital). Les infections à A. baumannii ne sont pas très fréquentes mais très difficilement traitables. On observe même des cas de résistance aux antibiotiques de dernier recours, à large spectre, appelés carbapénèmes.
La résistance à plusieurs antibiotiques (multirésistance), lorsqu’elle concerne les carbapénèmes, a conduit l’OMS à classer les souches d’A. baumannii comme des souches prioritaires à étudier pour la recherche de nouveaux antibiotiques.

Depuis une décennie, plusieurs analyses de génomes (ADN) de souches multirésistantes d’A. baumannii indiquaient que les gènes de résistance, parfois nombreux, pouvaient être acquis à partir d’autres bactéries de la même espèce voire d’espèces différentes. Le phénomène biologique à l’origine de ces événements de transfert de gènes restait à déterminer. L’étude co-portée par Maria-Halima Laaberki, maître de conférences à VetAgro Sup et Xavier Charpentier, directeur de recherche à l’Inserm, chef d’équipe au Centre international de recherche en infectiologie de Lyon (CIRI, CNRS/École normale supérieure de Lyon/INSERM/Université Claude Bernard Lyon 1), révèle les conditions dans lesquelles ces évènements de transfert se produisent. En effet, ils démontrent qu’une bactérie sensible à un antibiotique est capable en moins de 4 heures d’acquérir les résistances d’une bactérie voisine, dont la résistance aux carbapénèmes.

Ce transfert actif, appelé transformation naturelle (découvert en 1928 par Frederick Griffith chez le pneumocoque et, depuis, chez de nombreuses bactéries), se produit chez la bactérie réceptrice, qui est capable de capter et d’incorporer dans son génomes l’ADN des bactéries voisines.

Ce transfert est extrêmement efficace et obtenu à partir d’infimes quantités d’ADN naturellement libérées par les bactéries résistantes voisines.

Pour obtenir ces résultats, l’équipe[2] de recherche a mis en œuvre des techniques de génétique bactérienne conventionnelles et basées sur le séquençage de génomes. Cette dernière approche, utilisée ici comme une méthode de cartographie des évènements de transfert, a permis de révéler que cette bactérie est capable d’acquérir plus de 80 gènes lors d’un seul événement de transfert. En quelques heures, A. baumannii peut ainsi modifier plus de 3 % de son génome, lui conférant la capacité de résister à nombreuses classes d’antibiotiques.

Ces résultats permettent de mieux comprendre comment ce pathogène accumule la résistance aux antibiotiques. En lien direct avec les problématiques de santé publique, l’équipe poursuit actuellement ses recherches et travaille à déterminer dans quel milieu cette résistance est acquise et comment anticiper l’apparition de nouvelles résistances.

[1] Les unités de recherche impliquées sont le Centre international de recherche en infectiologie (CIRI, CNRS/École normale supérieure de Lyon/INSERM/Université Claude Bernard Lyon 1), le Laboratoire de biométrie et biologie évolutive (LBBE, CNRS/VetAgro Sup/ Université Claude Bernard Lyon 1) et Chrono-environnement (CE, CNRS/Université Franche-Comté).

[2] Cette publication présente une partie du travail de thèse universitaire d’Anne-Sophie Godeux sur l’émergence de la résistance chez A. baumannii, co-financée par VetAgro Sup et le LabEx ECOFECT supervisée par Maria-Halima Laaberki

Paris Saclay Cancer Cluster : une ambition mondiale pour l’oncologie française.

Officialisation du Paris Saclay Cancer Cluster (PSCC) en présence d’Olivier Véran, Ministre des Solidarités et de la Santé, de Frédérique Vidal, Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation et des représentants des cinq membres fondateurs : Sanofi, Gustave Roussy, l’Inserm, l’Institut Polytechnique de Paris et l’Université Paris-Saclay.

Le Paris Saclay Cancer Cluster (PSCC) franchit une nouvelle étape avec la création de sa structure juridique et la nomination de ses dirigeants.

 

Le Paris Saclay Cancer Cluster, annoncé par le Président de la République dans le cadre du CSIS en juin 2021, est désormais organisé sous la forme d’une association, dont l’objet et les ambitions ont été présentés ce jour dans les locaux de Gustave Roussy, en présence d’Olivier Véran, Ministre des Solidarités et de la Santé, de Frédérique Vidal, Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation et des représentants des cinq membres fondateurs : Sanofi, Gustave Roussy, l’Inserm, l’Institut Polytechnique de Paris et l’Université Paris-Saclay.

L’association est présidée par Éric Vivier, Professeur à l’Assistance Publique Hôpitaux de Marseille, Aix-Marseille Université, spécialiste en immunologie des cancers et lui-même entrepreneur : il est l’un des fondateurs d’Innate Pharma, une société de biotechnologies au stade clinique, spécialisée en immuno-oncologie. Par ailleurs, Benjamin Garel qui a dirigé le CHU de Martinique ces trois dernières années deviendra le Directeur général de l’association.

En s’appuyant sur un écosystème à haut potentiel centré sur les acteurs qui font l’innovation en oncologie : patients, hôpitaux, universités, start-up, industriels, investisseurs, organismes nationaux de recherche, et autorités publiques, le PSCC a pour ambition d’accélérer la mise à disposition de traitements innovants, l’amélioration du parcours de soins, de l’espérance et de la qualité de vie de nombreuses personnes atteintes de cancer.

Deuxième cause de décès dans le monde, le cancer fait près de 10 millions de morts par an. Près d’un décès sur six est dû au cancer à l’échelle mondiale.

Cet écosystème se développera aux portes de Paris, à Villejuif, dans une zone de plusieurs hectares au cœur du Grand Paris, tout près de Gustave Roussy. Les acteurs impliqués dans la lutte contre le cancer pourront s’y réunir et dynamiser ainsi tout un territoire, avec un rayonnement sur la France et l’Europe qui renforcera la place de l’excellence française au niveau des meilleurs mondiaux. Par ailleurs, un bâtiment dédié, et qui sera au cœur du PSCC, « l’Oncology Prospective Center », est en projet pour favoriser ces coopérations.

Les bureaux de l’association s’installeront sur le site de Paul Brousse dès cet été, dans l’attente de ce projet de construction.

Un cluster et quatre piliers pour transformer la science en valeur

Pour répondre aux défis de la médecine de précision et inventer la cancérologie de demain en France, Paris Saclay Cancer Cluster vise dès 2022 à accélérer la maturation des projets innovants portés par des start-up, biotechs, industriels et chercheurs, les medtechs, etechs et sociétés spécialisées dans la data, en proposant une offre basée sur quatre piliers :

  • Un mode collaboratif, synergique, et interdisciplinaire intégré permettant aux membres d’évoluer au sein d’un lieu unique où se rencontrent chercheurs, praticiens, académiques, entrepreneurs, industriels et investisseurs. Ce mode permettra également de faciliter la mise en relation via une plateforme digitale et d’avoir une gouvernance agile et équilibrée entre parties prenantes. L’association du PSCC compte accueillir 80 membres dans un an avec un objectif de 200 membres d’ici à 2027.

 

  • Un écosystème, concentré d’excellence qui donne la possibilité d’échanger avec des experts pluridisciplinaires, scientifiques et médicaux et d’avoir accès à des formations d’excellence ainsi qu’à une offre de mentoring pluri-compétences.

 

  • Des services et technologies accélératrices grâce à un plateau technique spécialisé réunissant une combinaison unique d’équipements de recherche, des services d’accompagnement spécialisés pour accélérer les preuves des concepts et un accès facilité aux échantillons.

 

  • Des données spécialisées consolidées et enrichies comme des données profondes et longitudinales issues de plusieurs sources, des infrastructures de stockage et d’analyse, un accompagnement expert et une accélération via l’intelligence artificielle.

Le Paris Saclay Cancer Cluster souhaite pleinement s’inscrire dans le plan « France 2030 », annoncé par le Président de la République Emmanuel Macron dans le domaine de l’innovation en matière de santé.

Unique en Europe par sa taille et son ambition, le projet Paris Saclay Cancer Cluster repose sur l’engagement fort de ses membres fondateurs. Son envergure internationale positionnera la France parmi les leaders mondiaux de la transformation de la science en valeur dans le domaine de la cancérologie.

« Je suis ravi de m’impliquer au sein du Paris Saclay Cancer Cluster aux côtés de nombreux acteurs de la recherche contre le cancer. Le PSCC a pour ambition de réunir sur un même territoire dans le sud de Paris des expertises qui vont de la biologie à la médecine, en passant par la bio-informatique et l’utilisation de l’intelligence artificielle, de manière à découvrir les médicaments de demain qui vont transformer la vie des patients atteints de cancer.» commente le Pr. Eric Vivier, PhD, DVM, Directeur Scientifique d’Innate Pharma, Professeur des Universités – Praticien Hospitalier et Président de l’association Paris Saclay Cancer Cluster.

« Nous allons monter une équipe dynamique et motivée pour aider les entreprises à accéder le plus rapidement possible au marché. Une partie sera dédiée à l’offre de laboratoire mutualisée, une autre partie au projet données et une dernière pour favoriser l’implantation des entreprises, des formations et des laboratoires de recherche sur le cluster. Nous travaillerons aussi en réseau avec les autres hôpitaux et structures qui souhaitent participer à cet élan pour l’innovation au service des patients. Je suis ravi de me joindre à cette formidable aventure » déclare Benjamin Garel, Directeur général de l’association Paris Saclay Cancer Cluster.

Traitement du cancer : identification des vaisseaux sanguins qui permettent aux lymphocytes tueurs d’accéder aux tumeurs et de les détruire

lymphocytes

Visualisation en microscopie de lymphocytes (en vert) en train de se faufiler à travers un vaisseau HEV de tumeur (en rouge) au cours du traitement par immunothérapie anti-PD-1 plus anti-CTLA-4. La flèche blanche indique un lymphocyte qui quitte la circulation sanguine et entre dans la tumeur (en noir). © Elisabeth BELLARD et Jean-Philippe GIRARD – IPBS (CNRS/UT3 Paul Sabatier)

L’immunothérapie, une stratégie thérapeutique visant à augmenter l’activité du système immunitaire pour reconnaître et détruire les cellules cancéreuses, a révolutionné le traitement du cancer ces dix dernières années. Mieux comprendre comment fonctionne cette approche thérapeutique, et en particulier comment les lymphocytes tueurs accèdent aux tumeurs lors de l’immunothérapie, pourrait permettre d’améliorer l’efficacité des traitements. L’équipe de Jean-Philippe Girard, directeur de recherche Inserm à l’Institut de pharmacologie et de biologie structurale (CNRS/Université Toulouse III – Paul Sabatier), en collaboration avec Gustave Roussy, vient de découvrir le rôle essentiel dans ce processus de vaisseaux sanguins particuliers, appelés vaisseaux HEV associés aux tumeurs. Les scientifiques sont parvenus à filmer pour la première fois les lymphocytes se faufilant à travers la paroi des vaisseaux HEV pour entrer dans les tumeurs. De plus, les chercheurs et chercheuses ont montré dans des modèles animaux qu’augmenter la proportion de vaisseaux HEV dans une tumeur, améliore l’efficacité de l’immunothérapie et conduit à l’élimination des tumeurs. Dans un dernier temps, ils ont constaté que la probabilité de guérison de patients atteints de mélanome métastatique (cancer de la peau) et traités par immunothérapie est augmentée lorsqu’un grand nombre de vaisseaux HEV sont présents dans les tumeurs. Les résultats de cette étude sont publiés dans le journal Cancer Cell du 3 février 2022[1].

L’immunothérapie avec les anticorps thérapeutiques représente une véritable révolution pour le traitement du cancer. Elle permet notamment de guérir certains patients atteints de mélanome métastatique (cancer de la peau), qui autrefois étaient condamnés. Malheureusement, l’immunothérapie ne fonctionne pas pour tous les patients ni pour tous les cancers. Une meilleure compréhension du mode d’action du traitement pourrait permettre de l’améliorer et de le rendre efficace chez un plus grand nombre de malades.

Les « lymphocytes tueurs », des globules blancs présents dans le sang, sont capables d’éliminer les cellules cancéreuses. Il est essentiel qu’un grand nombre de ces cellules tueuses puisse accéder aux tumeurs, afin de défendre l’organisme contre le cancer. L’équipe toulousaine lève le voile sur les mécanismes qui permettent aux lymphocytes tueurs de pénétrer dans les tumeurs pour les détruire, de façon spontanée ou suite au traitement par immunothérapie avec les anticorps anti-PD-1 plus anti-CTLA-4.

 

Les scientifiques ont découvert que les vaisseaux HEV – pour High Endothelial Veinule – des vaisseaux sanguins très particuliers, constituent la porte d’entrée majeure des lymphocytes dans les tumeurs. En utilisant des techniques sophistiquées de microscopie, les chercheurs ont pu filmer le passage des lymphocytes du sang vers la tumeur dans des modèles animaux. Pour la première fois, ils ont ainsi pu visualiser en direct et en temps réel les lymphocytes en train de se faufiler à travers la paroi des vaisseaux HEV afin d’accéder aux cellules cancéreuses présentes dans la tumeur. « Nous pensions que les vaisseaux HEV jouaient un rôle important pour l’entrée des lymphocytes dans la tumeur, mais nous avons été surpris de constater qu’ils en constituaient la porte d’entrée quasi exclusive », souligne Jean-Philippe Girard, directeur de recherche Inserm, dernier auteur de l’étude.

Les chercheurs ont ensuite observé dans leurs modèles que la présence d’un grand nombre de lymphocytes tueurs dans les tumeurs est associée à la présence d’un grand nombre de vaisseaux HEV. De plus, ils ont apporté la preuve de concept qu’augmenter la proportion des vaisseaux HEV dans une tumeur améliore l’efficacité de l’immunothérapie anti-PD-1 plus anti-CTLA-4 et conduit à l’élimination des tumeurs.

Enfin, en collaboration avec l’équipe de Caroline Robert à Gustave Roussy[2], les scientifiques se sont intéressés à des patients atteints de mélanome métastatique. Ils ont découvert que la présence d’un grand nombre de vaisseaux HEV dans les tumeurs est associée à une meilleure réponse à l’immunothérapie anti-PD-1 plus anti-CTLA-4.

Marquage des vaisseaux HEV (en marron) sur une coupe de tumeur d’un patient atteint de mélanome métastatique et traité par immunothérapie. © Jean-Philippe GIRARD – IPBS (CNRS/UT3 Paul Sabatier)

La prochaine étape pour les chercheurs sera de développer des traitements visant à augmenter la proportion de vaisseaux HEV dans les tumeurs, afin d’améliorer l’efficacité de l’immunothérapie, en permettant un recrutement massif de lymphocytes tueurs pour éradiquer les cellules cancéreuses.

« Nos travaux pourraient permettre à plus long terme d’améliorer le traitement par immunothérapie pour les patients atteints de mélanome métastatique et d’autres types de tumeurs solides. Ils ont aussi des implications sur le plan du pronostic, les cliniciens pouvant désormais s’intéresser aux vaisseaux HEV pour prédire la réponse d’un patient à l’immunothérapie », conclut Jean-Philippe Girard.

 

[1] Cette étude a été financée par la Fondation ARC, la FRM, l’INCa, l’ANR et le Labex TOUCAN

[2] Et également responsable d’équipe au sein de l’unité Inserm U981

Covid-19 : « mort cellulaire programmée » dans les formes sévères

Coronavirus SARS-CoV-2

Coronavirus SARS-CoV-2 responsables de la maladie COVID-19 accrochés aux cellules épithéliales respiratoires humaines. © M.Rosa-Calatraval/O.Terrier/A.Pizzorno/E.Errazuriz-cerda

Près de 60 % des patients hospitalisés pour Covid-19 présentent une lymphopénie, c’est-à-dire une diminution du nombre de lymphocytes[1] circulant dans le sang par rapport aux valeurs normales. Les mécanismes expliquant cet état sont longtemps demeurés mal compris. Dans une nouvelle étude, des chercheurs et chercheuses de l’Inserm et d’Université de Paris[2] en collaboration avec des équipes nîmoises (CHU de Nîmes), canadiennes (Université Laval) et portugaises (University of Minho and Hospital of Braga)[3] ont mis en évidence un phénomène de mort cellulaire programmée dénommé « apoptose »[4] qui expliquerait la perte des lymphocytes chez ces patients. Ils ont également montré in vitro que ce processus est réversible grâce à l’utilisation d’inhibiteurs de caspase, des molécules qui bloquent l’action des enzymes responsables de l’apoptose. Ces résultats, publiés le 22 janvier 2022 dans la revue Cell Death & Differentiation, permettent d’envisager de nouvelles pistes thérapeutiques pour les patients atteints de formes sévères de Covid-19.

La Covid-19 est une maladie caractérisée par une très grande hétérogénéité clinique. Alors que la plupart des personnes infectées sont asymptomatiques ou présentent des symptômes légers, d’autres développent des formes sévères de la maladie.

Les recherches sur les patients hospitalisés se sont jusqu’ici beaucoup intéressées à l’état inflammatoire qui caractérise les formes graves mais moins à d’autres biomarqueurs. Or parmi ces patients, 60 % d’entre eux présentent une lymphopénie, c’est-à-dire que le nombre de lymphocytes T CD4 dans leur sang est inférieur aux valeurs normales.

lymphocytes apoptotiques

Détection de lymphocytes apoptotiques ayant une condensation nucléaire et une fragmentation visualisable par microscopie électronique et pas immunofluorescence. © Jérôme Estaquier

L’équipe du chercheur Inserm Jérôme Estaquier, au sein de l’unité de recherche 1124 (Inserm/université de Paris) et de l’Université Laval à Québec, s’est penchée sur ce phénomène. Les scientifiques ont longtemps travaillé sur le SIDA, pathologie pour laquelle un faible nombre de lymphocyte CD4 dans le sang constitue justement un marqueur de mauvais pronostic. Ils ont donc ici pu mettre en application leurs connaissances de ces processus dans le domaine de la Covid-19.

Dans leurs travaux, les chercheurs ont étudié des échantillons sanguins de patients hospitalisés d’avril à juin 2020 pour Covid-19 (certains d’entre eux en soins intensifs) et les ont comparés à des donneurs sains. Ils ont ainsi mis en évidence que le fait de présenter une lymphopénie était corrélé à la présence de plusieurs biomarqueurs de sévérité.

Mort cellulaire programmée

Ils ont également montré qu’un processus de mort cellulaire programmée, l’apoptose, est à l’origine de la disparition des lymphocytes T chez les patients hospitalisés atteints de la Covid-19.

Pour tenter de bloquer ce processus, les chercheurs se sont ensuite appuyés sur de précédents travaux menés dans le domaine du VIH sur des modèles animaux, dans lesquels ils avaient montré que l’administration de ces molécules appelées inhibiteurs de caspase parvient à stopper l’apoptose, à rétablir les lymphocytes CD4, et à prévenir l’apparition du SIDA. Ils montrent ici qu’avec ces molécules, le processus d’apoptose des lymphocytes T est également réversible dans le cas de la Covid-19.

Ces résultats[5] ouvrent de nouvelles pistes thérapeutiques pour traiter de manière précoce les patients hospitalisés présentant une lymphopénie. « L’idée est désormais de mettre en place des essais cliniques de phase 1 pour tester la sécurité des inhibiteurs de caspase chez l’Homme. Les lymphocytes T sont la clé de voûte du système immunitaire. Ainsi, ces molécules pourraient avoir une utilité à terme pour les patients présentant une lymphopénie lors de leur entrée à l’hôpital », souligne Jérôme Estaquier.

 

[1] Les lymphocytes sont des globules blancs ayant un rôle clé dans le système immunitaire. Ils défendent l’organisme face aux agressions.

[2] Au sein de l’unité 1124 « Toxicité environnementale, cibles thérapeutiques, signalisation cellulaire et biomarqueurs »

[3] L’étude a aussi été menée en collaboration avec le CHU de Nîmes et le CNRS (IGH).

[4] L’apoptose est une mort cellulaire programmée. Il s’agit d’un processus par lequel des cellules déclenchent leur autodestruction en réponse à un signal de stress ou un ligand de mort.

[5] Cette étude a été financée par la Fondation Recherche Médicale et AbbVie France and Canada. 

Persistance d’une fibrose hépatique sévère malgré une perte de poids substantielle avec chirurgie bariatrique

stéatose hépatique.

Détail d’une stéatose, accumulation d’une graisse, triglycéride, dans la cellule hépatique. © Inserm/Hadchouel, Michelle

Une équipe de recherche de l’AP-HP, de l’Inserm et de Sorbonne Université a mené des travaux, au sein de l’IHU ICAN, portant sur les effets de la chirurgie bariatrique sur la sévérité de l’atteinte hépatique chez les patients avec NASH (Non-Alcoholic Steatohepatitis ou Steatohepatite métabolique) et fibrose sévère (fibrose en pont ou cirrhose compensée). Cette étude montre que chez 50% des patients ayant subi une chirurgie bariatrique, malgré une perte de poids importante (20% à 30% de l’IMC initial) et une amélioration des facteurs de risque métaboliques (principalement le diabète de type 2), la fibrose sévère persiste à moyen terme (5 ans après la chirurgie). Les résultats de ces travaux ont fait l’objet d’une publication le 25 janvier 2022 dans la revue Hepatology.

L’obésité en France concerne 17% de la population adulte et elle touche de plus en plus les enfants et les adolescents. Elle a de nombreuses conséquences sur l’état de santé des personnes qui en sont atteintes dont le développement d’un « foie gras » (stéatose du foie). La stéatose hépatique est définie par l’accumulation de graisse dans les cellules du foie favorisée par la présence des facteurs de risque métabolique (particulièrement le diabète et l’obésité).

En France, la stéatose du foie touche 18% de la population et 25% de la population générale au niveau mondial. A terme, cette pathologie, également appelée NASH, peut conduire à l’apparition de maladies plus graves comme la cirrhose ou le cancer du foie. A ce jour, il n’existe aucun traitement médicamenteux efficace contre la NASH, ce qui rend la recherche autour d’autres voies de prise en charge pour les patients d’autant plus importante.

Des travaux antérieurs ont montré une amélioration spectaculaire des lésions hépatiques de NASH après la chirurgie bariatrique en parallèle à la perte de poids. Néanmoins, les données d’efficacité chez les patients ayant des formes avancées de NASH restent limitées.

L’étude, coordonnée par le Dr Raluca Pais (AP-HP, IHU ICAN), le Dr Judith Aron-Wisnewsky (AP-HP, Inserm, Sorbonne Université, IHU ICAN), le Pr Vlad Ratziu (AP-HP, INSERM, Sorbonne Université, IHU ICAN) et le Pr Karine Clément (AP-HP, Inserm, Sorbonne université, Unité NutriOmique), a permis d’analyser les effets de la chirurgie bariatrique sur l’évolution des lésions histologiques sévères de la NASH. Les patients, issus de la cohorte « chirurgie bariatrique BARICAN » coordonnée par le service de nutrition dirigé par le Pr Jean-Michel Oppert à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP, ont eu une biopsie hépatique initiale au moment de la chirurgie bariatrique et une biopsie de suivi. 

Cette étude confirme les excellents résultats de la chirurgie bariatrique : globalement, 29% des patients avaient une histologie normale à la biopsie de suivi ; 74% avaient une résolution de la NASH sans progression de la fibrose ; 70% avaient une régression de la fibrose.

Cependant, chez les patients atteints d’une fibrose sévère avant la chirurgie, la fibrose sévère persistait dans 47% des cas, à moyen terme après la chirurgie, malgré la résolution de la NASH dans 69% des cas.

Les patients non répondeurs à la chirurgie bariatrique ont une moindre amélioration des facteurs de risque métaboliques (moins de perte du poids, rémission du diabète) même si cliniquement significative. Les facteurs associés à la persistance de la fibrose après chirurgie bariatrique, en plus de l’intervalle de suivi, étaient l’âge et le type de chirurgie (moins de régression de la fibrose après la sleeve indépendamment de la perte du poids). Les facteurs associés à l’absence des lésions hépatiques après la chirurgie bariatrique étaient une plus grande perte du poids, une amélioration de la résistance à l’insuline et une moindre sévérité initiale des lésions nécro inflammatoires.

En conclusion, le Dr Raluca Pais précise que « cette étude montre que, malgré une efficacité établie pour la régression de la NASH, la chirurgie bariatrique est moins efficace pour la régression de la fibrose sévère. La régression de la fibrose nécessite plus de temps et probablement des mécanismes additionnels. La perte de poids seule peut ne pas être suffisante pour inverser la fibrose sévère. »

Amélioration de la santé de deux nourrissons atteints de formes sévères de syndromes d’hypercroissance dysharmonieuse

Co-marquages de peau de souris exprimant une mutation du gène PIK3CA. © Marina Firpion/Guillaume Canaud – unité 1151 Inserm

Les syndromes d’hypercroissance dysharmonieuse sont des maladies génétiques rares associées à une mutation du gène PIK3CA. Depuis 2016, une équipe composée de chercheurs de l’Inserm, de l’AP-HP, d’Université de Paris, à l’Institut Necker-Enfants malades (Unité d’hypercroissance dysharmonieuse et anomalies vasculaires) et des services cliniques des Hospices civils de Lyon a démontré l’efficacité thérapeutique d’une molécule utilisée contre certains cancers, l’Alpelisib, pour traiter un groupe d’enfants et d’adultes présentant des formes sévères de ces maladies. Dans une nouvelle publication, l’équipe rapporte cette fois-ci une amélioration à la fois clinique, biologique et d’imagerie de formes sévères de deux nourrissons atteints de syndromes d’hypercroissance dysharmonieuse traités par Alpelisib. Il s’agit des premières données obtenues concernant le traitement par cette molécule de formes graves néonatales. Les résultats de ce suivi sur un an font l’objet d’une publication dans le Journal of Experimental Medicine (JEM).

Les syndromes d’hypercroissance dysharmonieuse sont des maladies génétiques rares caractérisées par une augmentation de la taille mais aussi du nombre de cellules dans le corps. Ils se manifestent par une asymétrie pouvant toucher n’importe quelle partie ou tissu du corps (graisse, vaisseaux, muscles, os…), y compris le cerveau. Dans 95 % des cas, la maladie est liée à une mutation, lors du développement embryonnaire, du gène PIK3CA, qui régule la prolifération et la croissance des cellules.

Lorsque PIK3CA est trop activé, les parties du corps touchées par la mutation subissent une croissance excessive donnant lieu à des déformations physiques, plus ou moins invalidantes selon le nombre de tissus affectés. La chirurgie et d’autres formes de soins de support permettent d’atténuer certains symptômes, mais il n’existe actuellement aucun traitement médical approuvé pour traiter la maladie.

Dans de précédents travaux, l’Alpelisib, un médicament inhibiteur de PIK3CA récemment autorisé pour traiter certaines formes de cancer du sein[1], a montré des résultats prometteurs, d’abord dans des modèles animaux de syndrome d’hypercroissance, puis chez un petit nombre de patients adultes et enfants. Le médicament fait actuellement l’objet d’une série d’essais cliniques de plus grande envergure mais, jusqu’à présent, il n’existait aucune donnée sur son efficacité chez les nourrissons.

Dans cette nouvelle étude, une équipe de chercheurs de l’Inserm, de l’AP-HP et d’Université de Paris, coordonnée par le professeur Guillaume Canaud, rapporte les résultats encourageants du traitement par Alpelisib administré sur une durée d’un an à deux nourrissons – une fille de 8 mois et un garçon de 9 mois au début du traitement – présentant une variété de symptômes sévères causés par des mutations du gène PIK3CA. Ces symptômes comprenaient des malformations extrêmes des vaisseaux sanguins, une anémie, une croissance excessive asymétrique des membres et des doigts, ainsi que, dans le cas du garçon, une croissance excessive d’un hémisphère cérébral (hémimégalencéphalie) associée à des crises d’épilepsie[2]. Avant le début du traitement, le pronostic vital de la fille était engagé, et le garçon présentait un pronostic neurologique grave, ne répondant pas aux antiépileptiques classiques.

Une bonne tolérance au traitement

Des doses orales quotidiennes de 25 mg d’Alpelisib ont induit chez les deux nourrissons une amélioration clinique rapide et significative des symptômes. Ainsi, 12 mois de traitement ont permis de faire cesser les spasmes épileptiques du garçon et de réduire le nombre de malformations vasculaires de la fille. La diminution considérable du volume de sa jambe droite lui a permis de se tenir debout et de réussir à marcher avec de l’aide. L’anémie s’est corrigée chez les deux enfants dans les suites de l’introduction du traitement.

Les deux enfants présentaient une cassure de leurs courbes de croissance staturo-pondérale (lorsque le poids ou la taille sortent de la courbe indiquant la norme) qui s’est corrigée après introduction de l’Alpelisib. Il est important de noter qu’ils n’ont pas développé d’effets indésirables liés au traitement. Des analyses plus poussées ont révélé qu’à une dose quotidienne de 25 mg, les niveaux d’Alpelisib accumulés dans leur sang étaient beaucoup plus bas que les niveaux tolérés en toute sécurité par les adultes[3].

« Les résultats du traitement par Alpelisib de ces deux nourrissons sont encourageants car ils montrent une amélioration de l’ensemble des paramètres que ce soit cliniques, biologiques ou encore radiologiques. La grande efficacité observée est peut-être liée à l’introduction précoce de l’Alpelisib. En effet, les deux enfants étaient naïfs de toute chirurgie, or nous savons que les remaniements induits par un geste chirurgical peuvent modifier la bonne pénétration de l’Alpelisib dans les tissus. Par ailleurs, il est très probable que la plasticité des tissus à cet âge permette une meilleure efficacité du traitement, explique le professeur Guillaume Canaud, coordinateur de l’étude. Ces résultats doivent toutefois être interprétés avec prudence et devront être confirmés dans le temps et par le biais de nouveaux suivis », nuance-t-il.

Ce traitement par Alpelisib des syndromes d’hypercroissance continue de faire l’objet d’essais cliniques parmi une population composée d’adultes mais aussi d’enfants à partir de 6 ans. Ces résultats encourageants permettent d’envisager une extension d’autorisations pour traiter en clinique les formes graves néonatales.

Le traitement par Alpelisib de ces nourrissons entre dans le cadre d’un protocole d’utilisation compassionnel d’un médicament, qui est une autorisation exceptionnelle délivrée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé permettant de traiter des patients souffrant de maladies avec un pronostic grave et sans traitement approprié, dans une indication thérapeutique donnée.

 

[1] Le gène PIK3CA est fréquemment muté dans un certain nombre de cancers. Cette mutation serait retrouvée dans environ 40 % des cancers du sein.

[2] Le garçon était atteint d’un syndrome de West, aussi appelé spasmes infantiles, une forme rare d’épilepsie chez le nourrisson.

[3] Dans le cadre du traitement d’un cancer, la dose quotidienne d’Alpelisib administrée à un adulte est environ 15 fois plus élevée puisqu’elle est comprise entre 300 et 350 mg.

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