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Une nouvelle méthode pour percer les mystères du vivant

Pour mieux caractériser les interactions moléculaires, les chercheurs doivent également s’intéresser à un autre aspect : la chiralité des molécules. ©Valérie Gabelica

Comprendre la structure en trois dimensions de l’ADN et de l’ARN et la manière dont ils interagissent avec d’autres molécules est nécessaire à l’avancement de la recherche biomédicale et au développement de médicaments. Une équipe menée par la chercheuse Inserm Valérie Gabelica au sein du laboratoire Acides nucléiques : régulations naturelle et artificielle (ARNA, Inserm/CNRS/Université de Bordeaux) a développé une méthode innovante couplant spectrométrie de masse et lumière polarisée circulairement, permettant de mieux caractériser ces différentes interactions moléculaires. Cette nouvelle technique est décrite dans une étude publiée dans la revue Science.

Technique largement utilisée dans les laboratoires de physique et de biologie, mais aussi dans la police scientifique pour l’analyse d’échantillons chimiques ou biologiques, la spectrométrie de masse permet de mesurer les masses de chaque molécule d’un échantillon et ainsi d’obtenir des informations sur la manière dont elles interagissent et s’associent les unes aux autres.

La chercheuse Inserm Valérie Gabelica et son équipe au sein du laboratoire « ARNA » (Inserm/CNRS/Université de Bordeaux)[1] étudient comment de courtes séquences d’ADN ou d’ARN se replient en trois dimensions et interagissent avec d’autres molécules. Ils ont pour cela recours à la spectrométrie de masse, qui leur donne de précieuses indications sur la manière dont l’ADN et l’ARN s’associent structurellement avec des protéines ou des molécules pharmaceutiques par exemple.

Toutefois, pour mieux caractériser ces interactions moléculaires, les scientifiques doivent également s’intéresser à un autre aspect : la chiralité des molécules. Une molécule est dite « chirale » lorsque sa structure en 3D ne peut pas être superposée à son image dans un miroir. Du fait de sa forme en hélice, l’ADN est donc une molécule chirale. Déterminer la chiralité d’une molécule est important pour comprendre ses interactions biologiques avec les molécules du vivant que sont l’ADN et les protéines.

La mesure de la masse moléculaire n’apportant pas d’informations sur la chiralité, l’usage d’une autre technique, utilisant de la lumière polarisée circulairement[2], est nécessaire pour étudier la structure 3D des molécules.

Dans une étude publiée dans Science, la chercheuse et son équipe décrivent un nouvel outil qui permet d’étudier à la fois la manière dont l’ADN et les molécules s’assemblent et la chiralité : une méthode « 2 en 1 » couplant un spectromètre de masse et un laser produisant de la lumière polarisée circulairement.

Des perspectives thérapeutiques

L’usage d’une telle technique pourrait ouvrir de nouvelles pistes de recherche dans le domaine biomédical et notamment dans l’étude des maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer.

En effet, plusieurs études ont montré qu’en amont du processus d’agrégation des protéines pour former les plaques séniles dans le cerveau, les protéines forment de petits complexes, des « oligomères », qui pourraient être encore plus toxiques. L’application de la méthode développée par les chercheurs permettrait de mieux comprendre à partir de quel moment ces oligomères changent de structure 3D, afin d’explorer le rôle qu’ils jouent dans l’emballement de la pathologie et dans le processus de formation des plaques.

Autre application pratique : le développement de médicaments. Par exemple, si la cible des médicaments est une protéine chirale, il est important de caractériser également la chiralité du médicament afin de mieux comprendre leurs interactions potentielles.

« Dans les années 60, la thalidomide, un médicament pris par beaucoup de femmes enceintes pour diminuer leurs nausées, a entraîné de graves malformations chez leurs bébés. En fait, l’une des images de cette molécule dans le miroir était antinauséeuse, l’autre était toxique. Une étude plus approfondie de la structure moléculaire et de la chiralité aurait permis d’éviter cela », souligne Valérie Gabelica.

Repoussent considérablement les frontières de la spectrométrie de masse et facilitant l’étude de la chiralité des molécules, ces travaux sont donc particulière innovants et ouvrent des perspectives très étendues dans le champ de la recherche biomédicale.

 

[1] L’Unité de soutien à la recherche IECB (CNRS/Université de Bordeaux/Inserm) a également participé à ces travaux.

[2] La lumière est une onde. Elle est décrite par des signaux qui oscillent dans l’espace et le temps : les champs électrique et magnétique. Ces deux champs ont une direction, le champ magnétique est perpendiculaire au champ électrique. Lorsque la lumière est polarisée circulairement, le champ électrique change d’orientation le long du faisceau et décrit une spirale. Le champ magnétique est toujours perpendiculaire au champ électrique.

Premiers résultats cliniques prometteurs d’un vaccin visant à protéger les femmes enceintes du paludisme

©Benoît Gamain. Le paludisme gestationnel est associé à un faible poids de naissance pour le bébé et à un sur-risque de mortalité néonatale.

Le paludisme pendant la grossesse représente un problème de santé publique majeur dans les régions où la maladie est endémique, augmentant de manière substantielle les risques pour la santé de la mère et de l’enfant à naître. La pathologie est notamment associée à un faible poids de naissance pour le bébé et à un sur-risque de mortalité néonatale. Pour protéger cette population, une équipe de chercheurs Inserm et Université de Paris dirigée par Benoît Gamain, directeur de recherche CNRS, développe un vaccin à l’Institut national de transfusion sanguine. Baptisé PRIMVAC, celui-ci a fait l’objet d’un essai clinique pour étudier la tolérance au vaccin et obtenir des données préliminaires sur sa capacité à induire une réponse immunitaire adaptée. Les résultats de cet essai clinique promu par l’Inserm[1] sont publiés dans la prestigieuse revue Lancet Infectious Diseases. 

L’Organisation mondiale de la santé estime que le paludisme est responsable de plus de 400 000 décès chaque année. Si la lutte contre la maladie a progressé au cours des dernières décennies, certaines populations restent particulièrement vulnérables. C’est le cas des femmes enceintes.

Dans les régions du monde où le paludisme est endémique, les individus acquièrent une immunité contre la maladie tout au long de l’enfance. Lorsqu’ils atteignent l’âge adulte, ils sont donc généralement protégés contre les conséquences les plus graves du paludisme. Les femmes enceintes font néanmoins figure d’exception, car les globules rouges infectés par le parasite Plasmodium falciparum à l’origine du paludisme s’accumulent au niveau du placenta, favorisant l’anémie et l’hypertension maternelle. La maladie est aussi associée à un risque plus élevé de fausses couches spontanées, d’accouchements prématurés et de retards de croissance intra-utérin qui induisent une insuffisance pondérale à la naissance et un taux de mortalité infantile important. En Afrique Sub-Saharienne, 11 millions de femmes enceintes ont ainsi été infectées par le paludisme en 2018. Elles ont donné naissance à près de 900 000 enfants en insuffisance pondérale.

C’est pour lutter contre ce fléau sanitaire qu’une équipe de chercheurs Inserm et Université de Paris menée par le directeur de recherche CNRS Benoît Gamain travaille depuis vingt ans au développement d’un vaccin contre le paludisme gestationnel. Celui-ci a pour objectif de prévenir jusqu’à 10 000 décès maternels et 200 000 décès infantiles par an. « Développer un vaccin efficace à destination des jeunes femmes avant leur première grossesse est une priorité afin de réduire la mortalité liée au paludisme. La stratégie vaccinale efficace pourrait cibler une population similaire à celle ciblée par la vaccination HPV par exemple, avant le premier rapport sexuel », souligne Benoît Gamain.

Un vaccin sûr et efficace

Baptisé PRIMVAC, le vaccin avait récemment été produit en grande quantité conformément à la réglementation en vigueur. Dans un essai clinique publiée dans Lancet Infectious Diseases, les chercheurs apportent à présent des données sur la sécurité du vaccin et sur sa capacité à induire une réponse immunitaire adaptée, jusqu’à 15 mois après la vaccination initiale.

Le vaccin a été évalué chez 68 femmes non enceintes âgées de 18 à 35 ans à Paris au centre d’investigation clinique Cochin Pasteur puis au Burkina Faso au Centre national de recherche et de formation sur le paludisme à Ouagadougou. Les participantes ont été réparties et randomisées en 4 cohortes, recevant le vaccin à différentes doses, à 3 reprises sur une période de 3 mois. Ces femmes ont ensuite été suivies pendant 15 mois afin d’identifier et de prendre en charge d’éventuels effets indésirables et d’étudier la réponse immunitaire induite par la vaccination.

 

Anticorps (en vert) d’une volontaire vaccinée se fixant à la surface d’un globule rouge humain parasité par le parasite Plasmodium falciparum (en bleu). Crédits : Inserm/Chêne, Arnaud et Semblat, Jean-Philippe

Les résultats de cette étude montrent que le vaccin PRIMVAC est bien toléré. Par ailleurs, la capacité du vaccin à produire une réponse immunitaire est avérée, avec une production d’anticorps chez 100 % des femmes vaccinées après seulement deux injections. Les anticorps produits sont capables de reconnaître l’antigène parasitaire à la surface des globules rouges infectés et d’inhiber leur capacité adhésive responsable de leur accumulation dans le placenta, ce qui est crucial pour lutter contre cette forme gestationnelle du paludisme.

« Nous avons pu montrer que le vaccin est bien toléré, à toutes les doses testées. Les effets indésirables relevés concernent principalement des douleurs au site d’injection. Par ailleurs, nous avons mis en évidence que la quantité d’anticorps générés par le vaccin augmente après chaque vaccination et que ceux-ci persistent pendant plusieurs mois. Il semble donc que le vaccin ait une capacité à déclencher une réponse immunitaire durable et potentiellement protectrice », souligne Benoît Gamain.

Etudier cette réponse immunitaire à plus long terme et la protection associée fera l’objet de futurs essais cliniques. Les chercheurs veulent notamment continuer à suivre les 50 volontaires burkinabées afin d’évaluer si cette réponse immune induite par la vaccination se maintient jusqu’à leur première grossesse.

 

[1] L’essai est coordonné par le Centre d’Investigation Clinique Cochin Pasteur à Paris et la plateforme d’essais cliniques EUCLID/F-CRIN à Bordeaux en collaboration avec le Centre national de recherche et de formation sur le paludisme à Ouagadougou et European Vaccine Initiative (EVI). Financement : Bundesministerium für Bildung und Forschung, through Kreditanstalt für Wiederaufbau, Germany; Inserm, and Institut national de transfusion sanguine, France; Irish Aid, Department of Foreign Affairs and Trade, Ireland.

Eczéma atopique : les allergènes jouent avec nos nerfs

Les mastocytes et les neurones sensitifs s’agglutinent en « grappe » sous la peau. ©Nicolas Gaudenzio

La dermatite atopique, ou eczéma atopique, touche principalement les nourrissons et les enfants qui présentent alors une hypersensibilité aux allergènes de l’environnement. Maladie cutanée évoluant par poussées, elle est souvent traitée avec des anti-inflammatoires locaux. Une nouvelle étude dirigée par le chercheur Inserm Nicolas Gaudenzio, de l’Unité différenciation épithéliale et autoimmunité (UDEAR – Inserm / UT3 Paul Sabatier), en collaboration avec ses collègues de l’Université de Stanford (États-Unis) montre que les cellules immunitaires et les neurones sensitifs interagissent dans la peau pour former des unités capables de détecter les allergènes et de déclencher l’inflammation. Une découverte qui permet de mieux comprendre le fonctionnement de la dermatite atopique et d’envisager de nouvelles pistes thérapeutiques. Les résultats sont désormais publiés dans la revue Nature Immunology.

Peau sèche, douleur, démangeaisons… La dermatite atopique affecte le quotidien de près de 20 % des enfants, et jusqu’à 5 % des adultes. La qualité de vie de ces patients peut en être très dégradée.

Plusieurs travaux ont démontré que des facteurs génétiques sont impliqués dans le développement de cette maladie chronique inflammatoire de la peau, et qu’ils sont probablement à l’origine d’une altération de la barrière cutanée. Les allergènes présents dans l’environnement, des poussières au pollen en passant par les acariens, peuvent alors pénétrer dans le derme et stimuler le système immunitaire, qui réagit anormalement à cette « menace » en déclenchant l’eczéma.

Néanmoins, les mécanismes de l’hypersensibilité aux allergènes et de l’hyperactivité du système immunitaire chez les patients souffrant de dermatite atopique ne sont pas encore tous bien connus. Menée par le chercheur Inserm Nicolas Gaudenzio, la jeune équipe « IMMCEPTION » étudie la manière dont le système immunitaire interagit avec les neurones sensitifs pour réguler les processus inflammatoires dans la dermatite atopique.

Les chercheurs s’appuient notamment sur des données cliniques déjà disponibles qui soulignent que le sang des patients atteints de cette pathologie contient de nombreux neuropeptides, messagers chimiques porteurs des messages nerveux, et dont la quantité est corrélée avec la sévérité de la maladie. Que ces neuropeptides soient identifiés dans le sang indique que les neurones sensitifs sont activés. Par ailleurs, une quantité d’enzymes reflétant la présence de mastocytes est aussi retrouvée dans le sang de ces patients, les mastocytes étant des cellules immunitaires présentes dans la peau et essentielles à la modulation des processus inflammatoires et allergiques.

Partant de ces constats, Nicolas Gaudenzio et son équipe ont décidé de s’intéresser à l’interaction entre neurones sensitifs et mastocytes, et publient à présent leurs résultats dans le journal scientifique Nature Immunology.

Les scientifiques ont travaillé avec des modèles animaux de dermatite atopique. Sous la peau de souris présentant des signes de réactions inflammatoires, ils ont observé que les mastocytes et les neurones sensitifs s’agglutinaient, se regroupant en « unités neuro-immunes sensorielles », dont la forme n’est pas sans rappeler celle d’une grappe de raisin. « Les mastocytes et les neurones se collent les uns aux autres au niveau du derme. On ne sait pas encore quelles sont les interactions moléculaires qui les lient les uns aux autres, mais on a quantifié les distances entre eux, et elles sont minimes », souligne Nicolas Gaudenzio.

Les chercheurs ont ensuite montré que lorsque les souris sont exposées à des acariens, ces « unités neuro-immunes sensorielles » sont capables de détecter la présence de ces allergènes, ce qui déclenche une inflammation allergique.

A plus long terme, une telle découverte pourrait avoir des implications thérapeutiques concrètes.  « Jusqu’à maintenant, les patients peuvent être soignés avec des traitements biologiques (biothérapies) mais ceux-ci traitent certainement la pathologie plus en aval, une fois que les poussées se sont déclarées. Nous pensons que nous avons mis le doigt sur un mécanisme déclencheur et nous voulons à présent poursuivre les recherches pour identifier de nouvelles molécules qui pourraient bloquer les interactions entre les mastocytes et les neurones sensitifs, et donc avoir une action thérapeutique bénéfique pour les patients », explique le chercheur.

Pour y parvenir, l’équipe devra d’abord caractériser plus précisément les interactions moléculaires au sein de ces unités, et analyser le rôle qu’elles jouent dans la modulation du système immunitaire. 

« Une des questions à laquelle on va maintenant tenter de répondre, c’est à quoi servent ces unités mastocytes-neurones sensitifs. Elles doivent constituer un mécanisme de défense de l’organisme, étant donné qu’elles se retrouvent aussi chez les individus sains. Mais peut-être leur fonctionnement est-il altéré chez ceux qui souffrent de dermatite atopique et c’est ce qu’on va chercher à comprendre », conclut Nicolas Gaudenzio.

Cette étude a été financée par le Conseil Européen pour la Recherche (ERC).

Du nouveau dans l’apprentissage automatique via des systèmes biologiques

Escherichia coli©Inserm/Hudault, Sylvie

Alors que les méthodes d’apprentissage automatique sont utilisées dans de nombreux domaines, y compris la santé humaine, leur application au monde du vivant est peu explorée à l’échelle moléculaire. Des chercheurs de l’Inra et de l’Inserm, viennent de réaliser un premier pas dans cette direction en créant un réseau neuronal simple dans un extrait cellulaire de bactérie Escherichia coli. Leur méthode permet, entre autres, d‘analyser des prélèvements biologiques humains et de les classer en fonctions de leur concentration en différents métabolites. Publiés dans Nature Communications, ces résultats ouvrent des perspectives en termes de simplification et diminution du coût de certaines analyses biomédicales.

Ces dernières décennies, de nombreux progrès ont été réalisés en apprentissage automatique, y compris récemment en apprentissage en profondeur, le  deep learning. Les méthodes d’apprentissage sont maintenant utilisées dans de nombreuses tâches qui concernent notre vie quotidienne et elles présentent un réel potentiel pour traiter de nombreux problèmes de santé. Ces méthodes s’inspirent notamment des systèmes biologiques, et entre autres, du réseau de neurones de notre cerveau.

Des chercheurs de l’Inra et de l’Inserm ont utilisé des enzymes pour construire un réseau neuronal simple dans un extrait cellulaire de bactérie Escherichia coli (E. coli), qu’ils ont appliqué dans un contexte de diagnostic médical. Ils ont ainsi montré que ce réseau permettait de différencier correctement des échantillons biologiques d’origine humaine et de les classer comme « positif » ou « négatif » en fonction de leur  composition en métabolites.

Afin de tester la robustesse de leur système, les chercheurs l’ont appliqué à la détection de métabolites précis dans des échantillons d’urines humaines 1.
Parmi les métabolites sélectionnés, ils ont choisi l’hippurate pour suivre le traitement probiotique avec E. coli « Nissle 1917 » de la phénylcétonurie, (une maladie neurotoxique caractérisée par l’accumulation d’un acide aminé spécifique, la phénylalanine). En effet, de récents travaux ont montré que le traitement probiotique avec E. coli « Nissle 1917 » permettait une cascade de réactions aboutissant à la conversion de la phénylalanine en hippurate dans le foie des patients atteints de phénylcétonurie2.
Le réseau conçu par l’équipe de recherche a été capable de mettre en évidence l’augmentation de la concentration en hippurate dans les urines chez les patients traités avec ce probiotique.

Les résultats de ces travaux montrent ainsi que la conception d’un dispositif peu coûteux basé sur un extrait cellulaire d’E. coli permet de contrôler l’efficacité d’un traitement en évitant des mesures de spectrométrie de masse plus coûteuses et énergivore.

Le deep learning est un ensemble de méthodes d’apprentissage qui permet à une machine d’apprendre par elle-même, en opposition au mode de fonctionnement classique, sur la base de programmes, où la machine se contente d’exécuter des tâches selon les règles prédéterminées par le programme. Le fonctionnement en deep learning repose sur une structure de type neuronale inspirée du cerveau humain, avec plusieurs « couches » de neurones qui permettent d’apprendre selon un processus « essais-erreurs ».


Schéma expliquant le fonctionnement du système d’apprentissage.© Inra/Jean-Loup Faulon

1 Voyvodic, P. L. et al. Plug-and-play metabolic transducers expand the chemical detection space of cell-free biosensors. Nat. Commun. 10, 1697 (2019).

2 Isabella, V. M. et al. Development of a synthetic live bacterial therapeutic for the human metabolic disease phenylketonuria. Nat. Biotechnol. (2018). doi:10.1038/nbt.4222

Les pouvoirs extraordinaires des bactéries visualisés en direct

Population de bactéries résistantes aux antibiotiques visualisées en microscopie à fluorescence en cellules vivantes. Cette population d’Escherichia coli possède un plasmide conjugatif qui code la protéine TetA (en rouge), une pompe à efflux responsable de la résistance à la tétracycline (en vert). On voit une claire anti-corrélation entre la présence de TetA et la présence de tétracycline dans les cellules. Bien que génétiquement identiques certaines bactéries parviennent à produire TetA et rejeter la tétracycline, lorsque d’autres accumulent l’antibiotique et ne parviennent pas à développer la résistance.©Christian Lesterlin

La dissémination globale de résistances aux antibiotiques est un problème majeur de santé publique et une priorité de la recherche internationale en microbiologie. Dans ses travaux à paraître dans Science, Christian Lesterlin, chercheur Inserm au sein du laboratoire  » Microbiologie moléculaire et biochimie structurale « (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1) à Lyon, a pu filmer avec son équipe le processus d’acquisition de l’antibiorésistance en temps réel, et a découvert un acteur essentiel mais inattendu dans son maintien et dans sa dissémination au sein des populations bactériennes.

Cette dissémination de l’antibiorésistance est en grande partie due à la capacité qu’ont les bactéries d’échanger du matériel génétique par un processus appelé conjugaison bactérienne. Le séquençage systématique de souches pathogènes ou environnementales a permis d’identifier une grande variété d’éléments génétiques transmissibles par conjugaison et porteurs des résistances à la plupart, sinon à toutes les classes d’antibiotiques actuellement utilisés dans les traitements cliniques. En revanche, le processus de transfert in vivo du matériel génétique d’une bactérie à l’autre, le temps nécessaire à l’acquisition de cette résistance une fois le nouveau matériel génétique reçu et l’effet des molécules antibiotiques sur cette résistance étaient encore inconnus.

Une visualisation en temps réel

Les chercheurs ont choisi d’étudier l’acquisition de la résistance de la bactérie Escherichia coli à un antibiotique couramment utilisé, la tétracycline en mettant une bactérie sensible à l’antibiotique en présence d’une bactérie résistante. Des études précédentes ont montré que cette résistance repose sur sa capacité à évacuer l’antibiotique avant qu’il n’ait pu jouer son rôle destructeur grâce à des « pompes à efflux » situées sur sa membrane. Ces pompes à efflux spécifiques, sont capables d’éjecter les molécules antimicrobiennes en dehors de bactéries, leur conférant ainsi un certain niveau de résistance.

Dans cette expérience, la transmission de l’ADN d’une « pompe à efflux » spécifique – la pompe TetA – a été observée entre une bactérie résistante et une bactérie sensible par marquage fluorescent.  Grâce à l’apport de la microscopie en cellule vivante, il suffisait alors de suivre la progression de la fluorescence pour voir, la manière dont l’ADN de la « pompe » migrait d’une bactérie à l’autre et comment il s’exprimait chez la bactérie receveuse.

Les chercheurs ont ainsi mis en évidence qu’en 1 à 2 heures seulement, le fragment d’ADN simple brin de la pompe à efflux était transformé en ADN double brin puis traduit en protéine fonctionnelle, conférant ainsi la résistance à la tétracycline à la bactérie receveuse.

 

Le transfert d’ADN des bactéries donneuses (vertes) aux bactéries receveuses (rouges) est révélé par l’apparition de foyers de localisation rouges. L’expression rapide des gènes nouvellement acquis est quant à elle révélée par la production de fluorescence verte dans les bactéries receveuses. Crédit vidéo : Christian Lesterlin/Inserm

Comment la résistance s’organise-t-elle en présence d’antibiotique?

Le mode d’action de la tétracycline est bien connu des scientifiques : elle entraine la mort des bactéries en se fixant sur leur machinerie traductionnelle bloquant ainsi toute possibilité de produire des protéines. En suivant ce raisonnement, lorsque l’antibiotique est introduit dans le milieu de culture précédent, la pompe à efflux TetA ne devrait pas être produite et les bactéries devraient mourir. Pourtant, les chercheurs ont observé que paradoxalement, les bactéries étaient capables de survivre et de développer la résistance efficacement, suggérant l’implication d’un autre facteur essentiel au processus d’acquisition de résistance.

Les scientifiques ont découvert que ce phénomène s’explique par l’existence d’une autre pompe à efflux présente chez quasiment toutes les bactéries : la pompe AcrAB-TolC. Bien que cette pompe généraliste soit moins efficace que la pompe TetA, elle évacue tout de même un peu d’antibiotique hors de la cellule. Les bactéries peuvent ainsi maintenir une activité minimale de synthèse protéique. Ainsi, si la bactérie a la chance d’avoir reçu un gène de résistance par conjugaison, alors la pompe TetA est produite, et la bactérie devient durablement résistante.

Cette étude ouvre de nouvelles perspectives dans la recherche de mécanismes similaires chez d’autres bactéries que E.coli, et pour différents antibiotiques. « On pourrait même penser à une thérapie combinatoire qui allierait l’antibiotique et une molécule capable d’inhiber cette pompe généraliste. Même s’il est encore trop tôt pour envisager l’utilisation d’un tel inhibiteur dans une perspective thérapeutique, cette possibilité fait actuellement l’objet de nombreuses études car elle permettrait de réduire l’antibiorésistance, et d’empêcher sa dissémination aux différentes espèces de bactéries » conclut Christian Lesterlin.

Les « gènes sauteurs » humains attrapés en pleine action !

©Photo AdobeStock

Tout au long de l’évolution, le génome de la plupart des êtres vivants s’est complexifié grâce aux éléments transposables ou « gènes sauteurs », des fragments d’ADN capables de se déplacer ou de se copier d’un endroit à un autre sur les chromosomes. Des chercheurs de l’Inserm, du CNRS, d’Université Côte d’Azur et de l’Université de Montpellier ont pu capturer ces « gènes sauteurs » juste après leur déplacement et ont croisé leurs observations avec des bases de données déjà existantes. Leurs travaux, à paraître dans Molecular Cell, montrent que l’intégration des « gènes sauteurs » chez l’humain ne se ferait pas au hasard mais serait influencée par certaines propriétés du génome. Ces résultats ouvrent ainsi de nouvelles perspectives dans l’interprétation des données de séquençage de génome entier.

Les éléments transposables, aussi appelés « gènes sauteurs », sont de petits fragments d’ADN capables de se multiplier et de se déplacer dans les chromosomes de la plupart des organismes vivants. Cette prolifération a été tellement intense chez les mammifères et les primates, qu’ils constituent plus de la moitié de nos chromosomes ! Bien sûr, ils ne sautent pas tous en même temps, dans toutes nos cellules. Parmi toutes les copies présentes dans notre ADN, seule une petite fraction est toujours active. Toutes les autres sont des vestiges moléculaires qui reflètent des millions d’années d’évolution au cours desquelles les insertions néfastes ont été éliminées et celles bénéfiques conservées.

Chez l’humain, les gènes sauteurs les plus actifs sont les rétrotransposons L1. En sautant, ils peuvent altérer ou détruire des gènes et provoquer l’apparition de maladies génétiques comme des hémophilies ou des dystrophies musculaires. Les rétrotransposons L1 sont aussi particulièrement actifs dans certaines formes de cancers, et pourraient être impliqués dans le vieillissement cellulaire ou dans certaines maladies mentales.

Les rétrotransposons L1 ciblent-ils des régions chromosomiques spécifiques ou s’insèrent-ils au hasard ? Les équipes de Gaël Cristofari et Simona Saccani, directeurs de recherche à l’Inserm au sein de l’Institut de recherche sur le cancer et le vieillissement de Nice – Ircan (Inserm, CNRS, Université Côte d’Azur), et leurs collaborateurs à l’Université de Montpellier, sont parvenus, grâce à une technique de séquençage du génome dite « à haut débit », à capturer ces gènes sauteurs en pleine action juste après qu’ils aient sauté à une nouvelle position. En croisant leurs observations avec des banques de données génomiques et épigénomiques, les chercheurs ont identifié les caractéristiques du génome qui influencent l’intégration des rétrotransposons L1, la plus notable étant la réplication de l’ADN, ainsi que le rôle prépondérant des phénomènes de sélection naturelle après intégration.

« Jusqu’à présent, on savait que les rétrotransposons L1 ont tendance à s’accumuler dans certaines régions de nos chromosomes, notamment l’hétérochromatine. Mais on ne savait pas si cela reflète une attraction particulière pour ces régions, ou s’ils sont uniquement tolérés dans ces régions et éliminés ailleurs par sélection naturelle. Lorsqu’on sait où ils sautent et les copies qui sont conservées au cours de l’évolution, on peut découvrir – en négatif – les régions où ils peuvent faire des dommages », explique Gaël Cristofari.

Ces résultats permettent de mieux comprendre comment les gènes sauteurs peuvent provoquer des mutations chez l’humain et contribuent à l’évolution de notre patrimoine génétique. Ils pourront être utiles à l’avenir pour interpréter les données de séquençage de génome entier, notamment en médecine personnalisée ou dans les grands programmes de séquençage.

Ces travaux ont été rendus possibles grâce au soutien financier de la Fondation pour la recherche médicale, du Cancéropôle PACA, du Conseil européen de la recherche, de l’Agence nationale de la recherche, du Labex Signalife, du Groupement de recherche sur les éléments transposables (CNRS, GDR 3546), du FHU OncoAge, et du programme européen Erasmus Mundus Mobility with Asia.

A l’origine de l’asymétrie, une protéine qui donne le tournis

Doigt de migration cellulaire précédé par une cellule leader. En bleu, les noyaux des cellules, en vert, l’actine, en rouge, la myosine. Le câble pluricellulaire d’acto-myosine est bien visible sur les bords du doigt. ©Inserm/Cochet-Escartin, Olivier, 2014

L’asymétrie joue un rôle majeur en biologie, à toutes les échelles : enroulement en spirale de l’ADN, cœur positionné à gauche, préférence pour la main gauche ou la droite… Une équipe de l’Institut de biologie Valrose (CNRS/Inserm/Université Côte d’Azur), en collaboration avec des collègues de l’université de Pennsylvanie, a montré qu’une unique protéine induit le mouvement en spirale d’une autre molécule puis, par effet domino, la torsion des cellules, des organes et du corps entier, jusqu’à déclencher un comportement latéralisé. Ces travaux sont publiés dans la revue Science le 23 novembre 2018.

Notre monde est fondamentalement asymétrique : enroulement de la double hélice d’ADN, division asymétrique des cellules souches, localisation du cœur humain à gauche… Mais comment émergent ces asymétries et sont-elles liées les unes aux autres ?

À l’Institut de biologie Valrose l’équipe du chercheur CNRS Stéphane Noselli comprenant aussi des chercheurs de l’Inserm et de l’Université Cote d’Azur étudie depuis plusieurs années l’asymétrie droite-gauche afin de résoudre ces énigmes. Ces biologistes avaient identifié le premier gène contrôlant cette asymétrie chez la mouche du vinaigre (drosophile), l’un des organismes modèles préférés des biologistes. Plus récemment, l’équipe a montré que ce gène joue le même rôle chez les vertébrés : la protéine qu’il produit, la myosine 1D[1], contrôle l’enroulement ou la rotation des organes dans le même sens.

Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont induit la production de myosine 1D dans des organes normalement symétriques de la drosophile, comme les trachées respiratoires. De façon spectaculaire, cela a suffi à induire une asymétrie à tous les niveaux : cellules déformées, trachées s’enroulant sur elles-mêmes, organisme entier torsadé, et comportement de nage hélicoïdale des larves de mouches. Chose remarquable, ces nouvelles asymétries se développent toujours dans le même sens.

Afin d’identifier l’origine de ces effets en cascade, des biochimistes de l’université de Pennsylvanie ont apporté leur concours : ils ont mis en présence, sur une lame de verre, la myosine 1D et un composant du « squelette » des cellules, l’actine. Ils ont alors pu constater que l’interaction des deux protéines entraine un mouvement en spirale de l’actine.

Outre son rôle dans l’asymétrie droite-gauche chez la drosophile et les vertébrés, la myosine 1D apparaît donc comme une protéine unique capable à elle seule d’induire l’asymétrie à toutes les échelles, d’abord au niveau moléculaire, puis, par effet domino, cellulaire, tissulaire et comportemental.

Ces résultats suggèrent un mécanisme possible d’apparition soudaine de nouveaux caractères morphologiques au cours de l’évolution, comme par exemple la torsion du corps des escargots. La myosine 1D aurait toutes les caractéristiques requises pour l’émergence de cette innovation, puisque son expression suffit à elle seule à induire la torsion à toutes les échelles.

[1] Les myosines sont une classe de protéines qui interagissent avec l’actine (constituant du squelette des cellules ou cytosquelette). La plus connue d’entre elles, la myosine musculaire, est responsable de la contraction musculaire.

Pandoravirus : des virus géants qui inventent leurs propres gènes

Pandoravirus quercus, trouvé à Marseille. Coupe fine visualisée en microscopie électronique. Barre d’échelle : 100 nm. ©IGS- CNRS/AMU.

La famille de virus géants pandoravirus s’enrichit de trois nouveaux membres, isolés par des chercheurs du laboratoire Information génomique et structurale (CNRS/AixMarseille Université), associés au laboratoire Biologie à grande échelle (CEA/Inserm/Université GrenobleAlpes) et au CEA-Genoscope. Lors de sa découverte1, cette famille de virus avait étonné par son étrangeté – génomes géants, nombreux gènes sans équivalent connu. Dans Nature Communications le 11 juin 2018, les chercheurs proposent une explication : les pandoravirus seraient des fabriques à nouveaux gènes – et donc à nouvelles fonctions. De phénomènes de foire à innovateurs de l’évolution, les virus géants continuent de secouer les branches de l’arbre de la vie !

 

En 2013, la découverte de deux virus géants ne ressemblant à rien de connu brouillait la frontière entre monde viral et monde cellulaire[1]. Ces pandoravirus sont aussi grands que des bactéries et dotés de génomes plus complexes que ceux de certains organismes eucaryotes[2]. Mais leur étrangeté – une forme inédite d’amphore, un génome énorme[3] et atypique – posait aussi la question de leur origine. 

La même équipe a depuis isolé trois nouveaux membres de la famille à Marseille, Nouméa et Melbourne. Avec un autre virus trouvé en Allemagne, cela fait désormais six cas connus que l’équipe a comparés par différentes approches. Ces analyses montrent que, malgré une forme et un fonctionnement très similaires, ils ne partageant que la moitié de leurs gènes codant pour des protéines. Or, les membres d’une même famille ont généralement bien plus de gènes en commun…

De plus, ces nouveaux membres de la famille possèdent un grand nombre de gènes orphelins, c’est‐à‐dire codant pour des protéines sans équivalent dans le reste du monde vivant (c’était déjà le cas pour les deux premiers pandoravirus découverts). Cette caractéristique inexpliquée est au cœur de tous les débats sur l’origine des virus. Mais ce qui a le plus étonné les chercheurs, c’est que ces gènes orphelins sont différents d’un pandoravirus à l’autre, rendant de plus en plus improbable qu’ils aient été hérités d’un ancêtre commun à toute la famille !

Analysés par différentes méthodes bioinformatiques, ces gènes orphelins se sont révélés très semblables aux régions non‐codantes (ou intergéniques) du génome des pandoravirus. Face à ces constats, un seul scénario pourrait expliquer à la fois la taille gigantesque des génomes des pandoravirus, leur diversité et leur grande proportion de gènes orphelins : une grande partie des gènes de ces virus naîtrait spontanément et au hasard dans les régions intergéniques. Des gènes « apparaissent » donc à des endroits différents d’une souche à l’autre, ce qui explique leur caractère unique.  

Si elle est avérée, cette hypothèse révolutionnaire ferait des virus géants des artisans de la créativité génétique, qui est un élément central, mais encore mal expliqué, de toutes les conceptions de l’origine de la vie et de son évolution.

[1] Communiqué de presse du 18 juillet 2013 : http://www2.cnrs.fr/presse/communique/3173.htm 

[2] Organismes dont les cellules sont dotées de noyaux, contrairement aux deux autres règnes du vivant, les bactéries et les archées.

[3] Jusqu’à 2,7 millions de bases.

Voir aussi « Behind the paper: Giant pandoraviruses create their own genes » sur le blog natureecoevocommunity.nature.com 

Ces recherches ont bénéficié, entre autres, d’un financement de la Fondation Bettencourt Schueller à Chantal Abergel, lauréate 2014 du prix « Coup d’élan pour la recherche française ».

Diminuer l’apport en protéines dans l’alimentation pour mieux combattre les tumeurs

©Brooke Lark on Unsplash

Et si l’efficacité du système immunitaire contre les cellules cancéreuses pouvait être renforcée par un régime alimentaire sans réduction calorique mais avec des nutriments précisément dosés ? C’est sur cette question que se sont penchés des chercheurs de l’Inserm de l’Université Côte d’Azur, à travers l’étude des effets de régimes alimentaires restrictifs, sur la croissance tumorale chez la souris. Ils ont observé qu’un régime diminué en protéines, permettait de limiter le développement des tumeurs par accroissement de la réponse immunitaire.  Les résultats, à paraître dans Cell metabolism, s’avèrent prometteurs pour la compréhension de l’immunité anti-tumorale chez la souris et ouvrent la voie à de nouvelles études chez l’homme.

Si le jeûne a acquis une récente popularité dans la prévention de l’occurrence de cancers, dans le renforcement de la chimiothérapie et dans la prolongation de l’espérance de vie chez les patients atteints de tumeurs, aucune preuve scientifique solide ne vient à ce jour étayer l’efficacité de cette pratique. Les essais cliniques sont en réalité quasi inexistants chez l’homme et les résultats obtenus à partir de modèles animaux sont très débattus. Une réduction calorique prolongée peut en outre s’avérer être un facteur aggravant de la dénutrition et de la perte de masse musculaire (sarcopénie) fréquemment associées aux chimiothérapies.

Une équipe de l’Inserm au sein de l’Université Côte d’Azur s’est intéressée à l’hypothèse selon laquelle une modulation de l’apport en macronutriments (glucides, lipides et protéines), plutôt que de l’apport calorique, pouvait avoir un impact restrictif sur la croissance tumorale. Les chercheurs ont comparé l’effet sur la croissance des tumeurs chez la souris de plusieurs régimes alimentaires, plus ou moins appauvris en glucides ou en protéines, mais de même apport calorique. Les résultats ont montré qu’un régime appauvri en protéines mais pas en glucides avait un impact positif sur la limitation de la croissance tumorale et l’allongement de la durée de vie des souris.

L’analyse du contenu cellulaire des tumeurs des souris sous régime appauvri en protéines, a montré une quantité accrue et une activité plus intense des cellules anti-tumorales spécifiques du système immunitaire.

Les chercheurs ont constatés que la limitation de la croissance tumorale était due non pas à une inhibition de la prolifération des cellules cancéreuses comme on pouvait le croire, mais à un accroissement de l’efficacité de la réponse immunitaire, aussi appelée immunosurveillance, pour détruire les cellules cancéreuses.

En se penchant sur les mécanismes moléculaires liés à ce phénomène, les chercheurs ont constaté que ce renforcement de l’immunosurveillance était lié à la sécrétion par les cellules tumorales de protéines d’alerte du système immunitaire : les cytokines. Selon l’étude, la diminution en protéines dans le régime alimentaire rendrait insuffisante la quantité disponible de certains acides aminés (constituants des protéines) auxquels les cellules cancéreuses sont très sensibles. Une diminution de l’accès aux acides aminés provoquerait un stress chez les cellules tumorales, qui libèreraient alors des cytokines, activant ainsi une forte réponse immunitaire au niveau de la tumeur.

Si ces résultats chez la souris sont prometteurs pour la compréhension des mécanismes d’activation de l’immunosurveillance anti-tumorale,  plusieurs inconnues majeures demeurent à l’étude : une définition précise de la restriction protéique nécessaire et suffisante pour que le régime soit efficace, l’identification des acides aminés impliqués dans le stress des cellules tumorales et la transposabilité des résultats chez l’homme, dont l’immunosurveillance et le métabolisme présentent des différences notables avec ceux de la souris. Les études cliniques en cours chez l’homme doivent enfin tenir compte de la difficulté à imposer un régime alimentaire aussi rigoureux sur une longue durée chez des patients.

La flunarizine, nouveau candidat médicament dans le traitement de l’amyotrophie spinale

©Adobestock

Une équipe de chercheurs de l’Inserm (INSERM UMR 1124 « Toxicologie, pharmacologie et signalisation cellulaire ») et des universités Paris Descartes et Paris Diderot, vient de découvrir qu’un médicament déjà utilisé contre la migraine et l’épilepsie, la flunarizine, permet de réparer un défaut moléculaire lié à l’amyotrophie spinale, maladie grave et incurable. Ce travail est l’aboutissement de recherches menées depuis 1995, lorsque l’équipe Inserm à laquelle appartenait Suzie Lefebvre, directrice des travaux publiés aujourd’hui, est parvenue à identifier le gène responsable de l’amyotrophie spinale infantile. Les résultats des premiers essais chez l’animal, parus dans Scientific Reports, se révèlent extrêmement prometteurs avec une nette amélioration de l’état de santé. Ils doivent maintenant se confirmer chez l’homme. 

L’amyotrophie spinale est une maladie rare d’origine génétique. Elle touche 1 à 9 individus pour 100.000. Elle est due à une dégénérescence des motoneurones dans la moelle épinière qui entraine une perte musculaire progressive. Les symptômes apparaissent le plus souvent après la naissance, avec l’impossibilité d’acquérir le port de tête; ou un peu plus tard dans la petite enfance, avec l’impossibilité de marcher. Plus rarement, les symptômes apparaissent à l’adolescence avec des troubles musculaires importants mais compatibles avec une vie à peu près normale.

La maladie est causée par une mutation sur le gène SMN1 qui entraine un déficit en protéine SMN. C’est alors le gène SMN2, quasiment identique, qui prend le relai mais il produit en majorité une protéine SMN tronquée peu fonctionnelle.

 

Un problème d’adressage de la protéine SMN

Chez les individus sains, la protéine SMN est attirée dans des structures du noyau de la cellule appelées corps de Cajal. Y sont formés de petits ARN non codants, impliqués dans une étape de maturation des ARN messagers (l’épissage),  précurseurs des protéines. Dans l’amyotrophie spinale, les protéines SMN tronquées ne parviennent pas à rejoindre les corps de Cajal, ces derniers fonctionnent mal et la fabrication des petits ARN non codants est altérée. Ainsi, de nombreux ARN messagers présentent des problèmes de maturation et aboutissent à des protéines anormales ou déficientes et cela dans tous les tissus.

Pour tenter de restaurer ce mécanisme chez les malades, les chercheurs ont testé des molécules à visée thérapeutique in vitro, sur des cellules issues de patients atteints de la forme sévère de la maladie. L’objectif était d’en trouver une ou plusieurs capables de réacheminer les protéines SMN vers les corps de Cajal pour qu’ils retrouvent leur fonctionnalité.

 

La flunarizine efficace sur des cellules provenant de différents patients

Une seule molécule a démontré un effet sur un grand nombre de cellules de patients différents : la flunarizine, déjà utilisée dans le traitement de la migraine et de l’épilepsie. Dans un second temps, des souris malades ont été traitées dès la naissance avec cette molécule, à raison d’une injection par jour au niveau de la moelle épinière. L’espérance de vie des animaux traités a augmenté de 40% en moyenne, passant de 11 à 16 jours et même jusqu’à 36 jours pour l’un de sujets. L’analyse des motoneurones et des muscles montre qu’ils sont préservés plus longtemps chez les animaux traités. « La molécule présente un effet neuroprotecteur important bien que l’on ne se sache pas encore expliquer pourquoi », déclare Suzie Lefebvre, responsable de ces travaux et membre de l’équipe ayant découvert en 1995 le gène responsable de l’amyotrophie spinale infantile. En outre, son équipe a constaté que  la flunarizine permettait de rétablir le fonctionnement des petits ARN non codants fabriqués dans les corps de Cajal pour la maturation des ARN messagers.

 

Des résultats à confirmer chez l’homme

Reste à tester la flunarizine chez l’homme mais cette étape se heurte à la difficulté de recruter des patients dans le cadre d’une maladie rare. En outre, la plupart d’entre eux sont déjà inclus dans un essai clinique d’évaluation d’un médicament de nouvelle génération ayant obtenu une autorisation de mise sur le marché en décembre 2016 et ne peuvent donc pas être mobilisés pour un second essai. A terme, les deux approches thérapeutiques qui ciblent des mécanismes différents, pourraient tout à fait devenir complémentaires pour favoriser la survie et la qualité de vie des patients.

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