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Un nouvel anticorps « 2 en 1 » efficace contre le cancer

Illustration: Flore Avram/Inserm


Monalizumab ouvre de nouvelles perspectives dans le traitement des cancers par immunothérapie. Une équipe  internationale de chercheurs dirigée par Eric Vivier  et associant l’Inserm, le CNRS et Aix Marseille Université (au sein du Centre d’Immunologie de Marseille-Luminy), les sociétés Innate Pharma et MedImmune, en collaboration avec l’Assistance publique des Hôpitaux de Marseille, l’Institut Curie, le centre Léon Bérard, Abramson Cancer Center révèle le potentiel de ce nouvel anticorps médicamenteux (de la famille des inhibiteurs de points de contrôle immunitaire) qui, non seulement restaure l’activité anti-cancéreuse des deux principaux lymphocytes tueurs de tumeurs mais augmente aussi l’efficacité de traitements déjà existants. Chez la souris comme chez l’Homme, cet anticorps utilisé en combinaison avec une immunothérapie déjà existante, a permis de stopper l’évolution de la maladie et d’augmenter le taux de survie dans plusieurs types de cancers. Ces travaux sont publiés dans Cell.

L’immunothérapie a changé la donne dans plusieurs cancers de mauvais pronostic : mélanome métastatique, cancer avancé du rein, de la vessie, lymphome de Hodgkin, cancers de la tête et du cou, du poumon non à petites cellules… Ces progrès sont le fruit d’une première génération d’anticorps d’immunothérapie, les inhibiteurs de points de contrôle immunitaire, qui sont capables de régénérer les défenses immunitaires de l’organisme pour détruire les tumeurs. Pour cela, ils agissent sur des points de contrôle stratégiques, sorte de « freins moléculaires » que les lymphocytes T expriment à leur surface en temps normal pour éviter une suractivité du système immunitaire. Dans le cas du développement d’un cancer, la tumeur détourne l’usage normal de ces freins à son avantage, déclenchant l’arrêt total du fonctionnement des lymphocytes T : le système immunitaire n’est alors plus capable de détruire les cellules cancéreuses qui prolifèrent. De manière assez schématique, en empêchant la tumeur d’agir sur ces points de contrôle, l’immunothérapie rétablit le fonctionnement naturel des lymphocytes T qui vont alors retrouver leur rôle de destructeurs de tumeur.

Si les bénéfices cliniques de ces traitements sont spectaculaires, cette 1ère génération d’immunothérapie ne fonctionne que chez 20% des patients sans que l’on sache pourquoi. Chercheurs, cliniciens et industriels travaillent désormais main dans la main pour faire en sorte de surmonter les résistances à cette première génération d’inhibiteurs de points de contrôle. La stratégie vise à mobiliser simultanément d’autres points de contrôle de la réponse immunitaire et d’autres lymphocytes tueurs mais aussi à combiner les immunothérapies, entre elles ou avec d’autres traitements standards (chimiothérapie, radiothérapie et thérapies ciblées).

Dans ce nouveau travail, les chercheurs ont démontré le potentiel prometteur d’un nouvel anticorps : le monalizumab.

L’anticorps monalizumab est capable de neutraliser directement un point de contrôle très important exprimé conjointement à la surface des cellules NK de l’immunité innée et des lymphocytes T de l’immunité adaptative : NKG2A. En bloquant ce seul point de contrôle, monalizumab restaure ainsi simultanément l’action des deux immunités.

Chez la souris, les scientifiques ont alors démontré qu’utilisé en combinaison avec une immunothérapie de 1ère génération, monalizumab améliore de manière intéressante les résultats des traitements. En effet, ce dernier potentialise l’action de l’anticorps durvalumab qui cible un mécanisme d’inhibition complémentaire de celui de NKG2A : la voie PD1/PDL1. Le taux de survie observé est ainsi augmenté : 60% de survie quand le monalizumab  est utilisé en combinaison avec durvalumab contre 40% lorsque durvalumab est utilisé seul.

Chez l’Homme, dans le cadre d’un essai clinique de phase 2, monalizumab stimule l’un des mécanismes d’action du cetuximab, le traitement de référence des patients atteints d’un cancer de la tête et du cou. L’analyse des premières données de l’essai confirment les bénéfices de cette combinaison : l’évolution du cancer est stoppée chez 25 % des patients traités alors que les données d’autres essais rapportent 13 % lorsque cetuximab est utilisé seul. «En actionnant simultanément les mécanismes d’inhibition et d’activation des cellules NK nous sommes parvenus à augmenter significativement l’efficacité du meilleur standard de traitement disponible sans générer de nouveaux effets secondaires» se félicite Eric Vivier. Pour les chercheurs, il s’agit de l’identification du premier inhibiteur de points de contrôle immunitaire à large spectre qui est capable non seulement d’avoir sa propre action sur les cellules cancéreuses mais qui potentialise également l’action d’autres traitements.

Prix Inserm 2018 : La recherche pour la santé à l’honneur

Illustration: ©Flore Avram

La cérémonie annuelle des Prix Inserm distinguera, le mardi 11 décembre prochain au Collège de France, neuf chercheurs et ingénieurs dont les réalisations contribuent à l’excellence scientifique de l’Institut, au service de la science pour la santé.

« En honorant ses talents, l’Inserm entend montrer la diversité et la richesse des métiers qui font la recherche biomédicale, ainsi que la créativité et la passion des femmes et des hommes qui l’animent au quotidien « , salue Claire Giry, directrice générale et chargée par intérim des fonctions de présidente de l’Inserm.

Le Grand Prix Inserm 2018 sera décerné à Alain Tedgui pour ses travaux sur l’identification du rôle du système immunitaire dans l’athérosclérose. Deux essais cliniques directement issus de ces travaux sont aujourd’hui en cours.

 

Alain Tedgui, Grand Prix Inserm 

D’abord intéressé par les mathématiques appliquées, Alain Tedgui, directeur de recherche Inserm, se passionne très tôt dans sa carrière pour l’athérosclérose, l’une des causes principales des maladies cardiovasculaires. Il mettra notamment en évidence ses dimensions inflammatoire et immunitaire.L’athérosclérose, cette pathologie cardiovasculaire qui résulte de l’accumulation de cholestérol dans les parois artérielles, susceptible de conduire à un infarctus du myocarde, serait-elle une maladie auto-immune ? Le chercheur, qui dirige le Paris-Centre de Recherche Cardiovasculaire, au sein de l’hôpital européen Georges-Pompidou à Paris, a consacré l’ensemble de sa carrière à ce sujet, brisant au passage plusieurs dogmes médicaux et scientifiques.

Pierre Golstein, Prix Spécial

Cette année exceptionnellement l’Inserm a décidé de décerner un Prix Spécial pour mettre en lumière une découverte majeure faite à l’Inserm en amont des travaux récompensés par le Prix Nobel de médecine de physiologie 2018. Pierre Golstein au Centre d’immunologie de Marseille-Luminy, est récompensé par ce Prix Spécial pour avoir été le premier à identifier la protéine CTLA-4, aujourd’hui ciblée dans certaines stratégies d’immunothérapie du cancer.

Elisabetta Dejana, Prix International

L’Inserm souhaite également récompenser les carrières de chercheurs étrangers, carrières qui s’inscrivent dans la longue tradition de coopérations de l’Institut. Cette année, Elisabetta Dejana est ainsi récompensée par le Prix International. Cette spécialiste de la paroi vasculaire a en effet un parcours européen particulièrement riche entre l’Italie, la France et la Suède. Elle profite de ces expériences pour défendre l’égalité des carrières entre femmes et hommes.

Antoine Triller, Prix d’Honneur

Depuis 2004, le Prix d’Honneur témoigne de la carrière d’une personnalité scientifique éminente. C’est le cas de celle d’Antoine Triller, qui a consacré la sienne à la compréhension des bases cellulaires et moléculaires de la communication neuronale. Il a joué un rôle majeur dans l’évolution de la recherche en neurosciences, en particulier en créant l’Institut de biologie de l’École normale supérieure dans lequel il a toujours eu à cœur de favoriser l’indépendance et le dynamisme des équipes.

Robert Barouki, Prix Opecst-Inserm

Depuis 2013, l’Inserm a la volonté de récompenser les efforts de valorisation de la recherche et sa capacité à être véritablement en dialogue avec les attentes de la société et des questions des citoyens quant à leur santé. L’Institut a ainsi créé, en partenariat avec l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, le Prix Opecst-Inserm. Robert Barouki en est lauréat cette année, lui qui a toujours souhaité, au-delà de son travail de recherche sur l’exposome, éclairer les décisions de santé publique.

Nathalie Vergnolle et Ana-Maria Lennon-Duménil, Prix Recherche

Les Prix Recherche distinguent des chercheurs, enseignants-chercheurs et cliniciens-chercheurs, dont les travaux ont particulièrement marqué le champ de la recherche fondamentale, de la recherche clinique et thérapeutique et de la recherche en santé publique. Nathalie Vergnolle a ainsi travaillé à la constitution progressive de l’Institut de recherche sur la santé digestive qu’elle dirige aujourd’hui à Toulouse et qui forme une structure spécialisée dans cette thématique dont la pluridisciplinarité est unique en France. De son côté, Ana-Maria Lennon-Duménil est une pionnière dans la compréhension de l’activation du système immunitaire avec la perspective de progrès en immunothérapie contre le cancer.

Ahmed Abbas et Nelly Pirot, Prix Innovation

La recherche ce sont aussi les ingénieurs, techniciens ou administratifs qui l’accompagnent : les Prix Innovation leur sont dédiés. Ahmed Abbas, responsable de la gestion des médicaments radioactifs à la plateforme Cyceron à Caen, participe au développement de ces produits en collaboration avec des chercheurs. Nelly Pirot, en charge de la plateforme du Réseau d’histologie expérimentale de l’Institut de recherche en cancérologie de Montpellier, en pilote tout le processus technique. Elle contribue ainsi à la réduction de l’utilisation des animaux à des fins de recherche, une préoccupation essentielle à l’Inserm.

Monsieur Gilles Bloch est nommé Président-directeur général de l’Inserm

Gilles Bloch a été nommé Président-directeur général de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale en conseil des ministres. Gilles Bloch devient le neuvième PDG de l’Inserm depuis la création de l’Institut en 1964. Il prendra ses fonctions le 2 janvier 2019.  

Polytechnicien, médecin et chercheur, spécialiste d’imagerie médicale, Gilles Bloch a notamment réalisé une partie de sa carrière au Commissariat à l’énergie atomique avant d’endosser des responsabilités importantes au sein de l’administration de la recherche notamment en prenant la direction de l’Agence nationale de la recherche au moment de sa création puis en étant nommé directeur général de la recherche et de l’innovation au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

Gilles Bloch intègre le Service Hospitalier Frédéric Joliot à Orsay en 1990 pour y mener des recherches sur la spectroscopie par résonance magnétique nucléaire. Après avoir effectué un post-doctorat à l’Université de Yales aux Etats-Unis, il assure à partir de 1997 différentes fonctions d’encadrement au CEA puis y est nommé Directeur adjoint de la Direction des sciences du vivant en 2001.

Il rejoint en 2002 le Ministère de la Recherche en tant que conseiller pour les sciences du vivant, la santé et la bioéthique puis en tant que directeur adjoint de cabinet. La direction de la nouvelle agence nationale pour la recherche (ANR) lui est confiée avant qu’il ne devienne en 2006 Directeur général de la recherche et de l’innovation au Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. En 2009, il devient Directeur des sciences du vivant au CEA.

Depuis 2015, il présidait la Communautés d’universités et établissements Université Paris-Saclay.

Plus de 6000 gènes de résistance aux antibiotiques découverts dans le microbiote intestinal

Coupe de tissu intestinal : Microscopie confocale. Sous-populations de cellules immunitaires dans l’intestin grêle révélées par imagerie spectrale à dix couleurs. ©CIML/INSERM/CNRS/Lelouard, Hugues/Mailfert, Sébastien/Fallet, Mathieu, 2017

Une étude européenne lève le voile sur la diversité des gènes de résistance aux antibiotiques présents dans les bactéries du microbiote intestinal. Des équipes des hôpitaux Beaujon et Bichat Claude-Bernard AP-HP, de l’Inra (MetaGenoPolis), de l’Institut Pasteur, de l’Inserm, des universités Paris Diderot et Paris-Saclay ont développé une nouvelle méthode bioinformatique de prédiction de fonction des gènes basée sur la structure tridimensionnelle des protéines qu’ils codent. Les chercheurs, en collaboration avec d’autres équipes européennes, l’ont ensuite appliquée à un catalogue de plusieurs millions de gènes du microbiote intestinal. Grâce à cette méthode, ils ont identifié plus de 6000 gènes de résistance aux antibiotiques très différents des gènes connus. Ces travaux, publiés dans la revue Nature Microbiology, illustrent la diversité des gènes de résistance des bactéries de notre microbiote intestinal. 

Afin d’établir le recensement des gènes de résistance aux antibiotiques dans le microbiote intestinal, il n’était pas possible de se baser seulement sur la similarité de séquence de l’ADN. En effet, l’ADN des bactéries intestinales est bien différent de celui des bactéries connues, ce qui n’est pas sans poser des difficultés aux outils de prédiction des fonctions des gènes basés sur la similarité avec les séquences d’ADN connues (représentées par des lettres).

Deux gènes aux fonctions identiques peuvent avoir deux séquences d’ADN très différentes alors que les structures tridimensionnelles des protéines qu’ils codent sont superposables. Partant de ce constat, les chercheurs ont développé une méthode de prédiction de fonction des gènes basée sur la similarité de structure tridimensionnelle.

Cette méthode de prédiction tout à fait originale a permis d’identifier plus de 6000 gènes qui pourraient conférer une résistance aux antibiotiques, avec une moyenne de plus de 1000 gènes de résistance par individu.

Ces prédictions dites « in silico » ont pu être vérifiées au laboratoire sur certaines classes d’antibiotiques comme les bêta-lactamines. De plus, la composition en gènes de résistance était très liée à la composition en espèces bactériennes, et les chercheurs ont ainsi pu identifier six groupes d’individus en fonction de leurs gènes de résistance. Ces 6 groupes sont appelés “résistotypes” et sont connectés aux entérotypes décrits précédemment.

Cependant, la majorité de ces gènes de résistance n’ont jamais été retrouvés ni sur des éléments génétiques mobiles, ni dans des bactéries pathogènes, soutenant que leur transfert vers ces dernières est un événement rare.

Les chercheurs ont également observé que l’exposition aux antibiotiques influait sur le contenu en gènes de résistance : une exposition courte et forte altérait la composition du microbiote intestinal et diminuait paradoxalement l’abondance des gènes de résistance. En revanche une exposition chronique était associée à une augmentation de l’abondance des gènes de résistance en parallèle ici aussi d’une altération de la composition du microbiote.

Ces résultats ouvrent de nouvelles perspectives quant au rôle des gènes de résistance du microbiote intestinal qui semblent, dans leur majorité, peu à risque d’être transférés vers des bactéries pathogènes, et qui pourraient être bénéfiques en protégeant leurs hôtes de l’impact des antibiotiques dans le microbiote intestinal puisque des bactéries non pathogènes seraient ainsi protégées.

 

En savoir plus 

Le microbiote intestinal est composé de plusieurs centaines voire milliers d’espèces de microorganismes, principalement de bactéries. Ces dernières sont naturellement sensibles aux antibiotiques et pour s’en prémunir, certaines ont développé des mécanismes de résistance – les gènes qui les codent étant désignés « gènes de résistance aux antibiotiques ». Si les gènes de résistance aux antibiotiques portés par les bactéries pathogènes – comme le staphylocoque doré – sont bien connus, ce n’est pas le cas des bactéries intestinales en raison de la difficulté à les étudier. En effet, la plupart d’entre elles ne sont pas cultivables en laboratoire et les connaissances sur leurs propriétés sont largement basées sur le séquençage de leur ADN.

Photographie de la santé périnatale en France et en Europe en 2015

©Michal Bar Haim on Unsplash

Le 26 novembre 2018 est publié le nouveau rapport Euro-Peristat, projet européen coordonné par l’Inserm, mis en place depuis 2000, et qui rassemble des statistiques de 31 pays sur la santé périnatale en 2015. La comparaison de la France par rapport à ses voisins conduit à un bilan contrasté, avec en particulier une situation maitrisée dans la pratique des césariennes, mais une situation moins favorable pour la mortalité des enfants et la consommation de tabac, là où de nombreux pays observent une amélioration.

Faisant suite aux deux précédents bilans de 2004 et 2010, le nouveau rapport européen Euro-Peristat présente une photographie des données sur la santé périnatale en 2015 pour 28 pays membres de l’Union Européenne, plus l’Islande, la Norvège et la Suisse. Euro-Peristat est coordonné par l’Inserm et financé dans le cadre d’une Joint Action européenne sur l’information en santé.

Au sein de ce rapport, les chercheurs de l’équipe Epopé du Centre de recherche épidémiologie et statistique publient des données sur les principaux indicateurs de santé des enfants (mortinatalité, mortalité néonatale, prématurité…) et de leur mère (mortalité), des pratiques médicales (césariennes ..), et des facteurs de risque autour de la naissance. Leurs résultats permettent de situer la France par rapport aux autres pays en matière de système d’information et d’indicateurs de santé et offrent une vision plus globale que les résultats annuels nationaux ou internationaux.

Une amélioration du système d’information en France

Une des forces de ce nouveau rapport est qu’il présente un grand nombre de données sur la santé de l’enfant, renseignées à partir des statistiques hospitalières (ou PSMI). Ceci permet d’avoir des indicateurs fondés sur la totalité des naissances annuelles, alors qu’auparavant ces indicateurs étaient documentés par un échantillon représentatif de l’ensemble des naissances, issu des Enquêtes nationales périnatales. Par ailleurs, la France fait partie des sept pays européens ayant un système renforcé pour comptabiliser les décès maternels et ainsi limiter la sous-estimation habituelle de cet indicateur de santé.

En France, un taux de césariennes maîtrisé

Avec 1 césarienne pour 5 naissances en 2015 (20,2 %), la France se situe au 7e rang sur 31 pays, ce qui la classe dans le groupe de pays ayant des taux bas. Depuis 2010, le taux global de césariennes en France est resté stable alors qu’il a augmenté de manière significative dans 17 pays sur 31.

La France est particulièrement bien classée pour les situations à haut risque de césarienne : 59 % en cas d’antécédent de césarienne (3e rang), 75 % en cas de présentation par le siège (4e rang), et 54 % en cas de grossesses multiples (5e rang).

Santé des nouveau-nés : une attention particulière à porter à la mortalité avant 1 an

La mortalité autour de la naissance est globalement basse en France comme dans les autres pays européens. Cependant la mortinatalité (enfants mort-nés) atteint un niveau plutôt élevé en France (3 décès pour 1000 naissances, après exclusion des interruptions médicales de grossesse, 21ème rang), , ainsi que la mortalité néonatale (décès dans le 1er mois) qui représente 2,4 pour 1000 naissances vivantes (23ème rang). La mortalité néonatale est stable depuis 2005 alors qu’une tendance à la baisse est constatée sur l’ensemble des pays européens.

Selon Béatrice Blondel, représentant la France dans le comité scientifique du projet Euro-Peristat, pour mieux comprendre le niveau de la mortalité « il semble nécessaire d’analyser la situation en France de manière approfondie, comme le fait actuellement le Royaume-Uni dans un programme spécial d’analyse des statistiques existantes et d’audits abordant successivement différentes catégories de décès. »

Les taux sont également stables depuis 2012 pour les naissances prématurées (36 semaines d’aménorrhée ou moins) tandis que les évolutions sont assez contrastées dans les autres pays. La France se situe ici au 14e rang avec 7,1% des naissances en 2015.

Facteurs de risque : la France confrontée aux mêmes challenges que la plupart de ses voisins

Le rapport met en avant une évolution peu favorable de certains facteurs de risque en France : vieillissement de la population des femmes qui accouchent (14e rang avec 20,6% de femmes ayant 35 ans et plus en 2015) – comme dans la plupart des pays entre 2010 et 2015 –  et un taux de naissances gémellaires important (17,1 pour 1000 naissances, 22ème rang). Enfin, la consommation de tabac pendant la grossesse reste stable (16,3% de femmes au 3e trimestre, 20ème rang sur les 22 pays disposant de statistiques sur ce sujet) alors que la tendance est à la baisse dans presque tous les autres pays. 

« Ce bilan présente une situation contrastée. Il semble que les efforts menés pour limiter les césariennes ont conduit à des résultats positifs. En revanche la situation concernant la mortalité des enfants à la naissance est préoccupante. Il est indispensable d’analyser les facteurs et les circonstances des décès pour identifier dans quels domaines et sur quelles populations devraient porter les efforts. » Conclut Jennifer Zeitlin, coordinatrice du projet Euro-Peristat.

Les cancers sous pression : visualiser l’action du système immunitaire sur l’évolution des tumeurs

Cancérogenèse : Surexpression de TRF2, marqué en vert, dans les vaisseaux tumoraux, marquage rouge, dans un cancer ovarien. ©Inserm/Wagner, Nicole, 2014

À mesure que les tumeurs se développent, elles évoluent génétiquement. Comment le système immunitaire agit-il en présence de cellules tumorales ? Comment exerce-t-il une pression sur la diversité génétique des cellules cancéreuses ? Des chercheurs de l’Institut Pasteur et de l’Inserm, ont capté par vidéo in vivo l’action des cellules immunitaires lors de la prolifération de cellules cancéreuses, grâce à un marquage élaboré de coloration spécifique. Ces résultats seront publiés le 23 novembre 2018 dans la revue Science Immunology. Au fur et à mesure de leur prolifération incontrôlée, les cellules tumorales accumulent de nouvelles mutations et des modifications de leur génome. Ce processus progressif implique que chez un même patient, il existe une importante diversité génétique parmi les cellules cancéreuses. Si les cellules du système immunitaires et notamment les cellules T peuvent potentiellement éliminer ces cellules anormales, la diversité tumorale peut s’avérer délétère car elle rend difficile l’action du système immunitaire et peut rendre inefficaces certaines thérapies. Comprendre cette course effrénée entre évolution tumorale et réponse immunitaire est la clef du succès des futures immunothérapies. Les chercheurs de l’unité Dynamique des réponses immunes (Institut Pasteur / Inserm), dirigée par Philippe Bousso, en collaboration avec Ludovic Deriano, responsable de l’unité Intégrité du génome, immunité et cancer (Institut Pasteur) ont étudié comment les réponses immunitaires qui se développent spontanément contre les tumeurs modifient cette hétérogénéité tumorale. Ils ont montré par quels mécanismes les réponses immunitaires peuvent réduire très fortement la diversité tumorale et ainsi favoriser l’émergence de cellules tumorales plus homogènes génétiquement. Dans cette étude, les chercheurs sont parvenus à marquer de couleurs différentes chaque sous-clone de cellules cancéreuses chez un modèle murin. En suivant cet éventail de couleurs, ils ont pu ainsi caractériser dans le temps et dans l’espace, l’évolution de l’hétérogénéité tumorale. Ils ont pu de plus observer les contacts qu’ont les cellules T avec les cellules cancéreuses et déterminer comment une partie des cellules tumorales sont détruites. Ces travaux mettent en lumière l’effet drastique que peut avoir le système immunitaire pour façonner la tumeur en réduisant son hétérogénéité. Ce même effet sur l’hétérogénéité des cellules tumorales a également été observé lors de traitements fondés sur la levée de freins du système immunitaire, des immunothérapies dont le développement a été récompensé cette année par le prix Nobel de Médecine et de Physiologie. Ces travaux montrent que la prise en compte des interactions entre immunothérapies et hétérogénéité tumorale pourrait aider à définir les meilleures combinaisons et séquences thérapeutiques.

Visualisation de l’action des cellules immunitaires colorées. Cette vidéo représente en gris les cellules tumorales. En violet, les cellules T spécifiques de la tumeur, ont des contacts avec les cellules cancéreuses et les détruisent. Les cellules tuées apparaissent en bleu. En vert, les cellules de contrôle circulent mais ne tuent pas les cellules tumorales. © Institut Pasteur / Philippe Bousso

Visualisation des différents amas de différents clones de cellules cancéreuses. Cette vidéo illustre comment les sous-clones de la tumeur marqués chacun par une couleur différente (bleu, orange ou vert) se développent au sein de la moelle osseuse. Les vaisseaux apparaissent en blanc. © Institut Pasteur / Philippe Bousso

 
Ces travaux ont été financés en plus des organismes cités plus haut, par la Fondation de France, l’Inca et par l’ERC (European Research Council).

A l’origine de l’asymétrie, une protéine qui donne le tournis

Doigt de migration cellulaire précédé par une cellule leader. En bleu, les noyaux des cellules, en vert, l’actine, en rouge, la myosine. Le câble pluricellulaire d’acto-myosine est bien visible sur les bords du doigt. ©Inserm/Cochet-Escartin, Olivier, 2014

L’asymétrie joue un rôle majeur en biologie, à toutes les échelles : enroulement en spirale de l’ADN, cœur positionné à gauche, préférence pour la main gauche ou la droite… Une équipe de l’Institut de biologie Valrose (CNRS/Inserm/Université Côte d’Azur), en collaboration avec des collègues de l’université de Pennsylvanie, a montré qu’une unique protéine induit le mouvement en spirale d’une autre molécule puis, par effet domino, la torsion des cellules, des organes et du corps entier, jusqu’à déclencher un comportement latéralisé. Ces travaux sont publiés dans la revue Science le 23 novembre 2018.

Notre monde est fondamentalement asymétrique : enroulement de la double hélice d’ADN, division asymétrique des cellules souches, localisation du cœur humain à gauche… Mais comment émergent ces asymétries et sont-elles liées les unes aux autres ?

À l’Institut de biologie Valrose l’équipe du chercheur CNRS Stéphane Noselli comprenant aussi des chercheurs de l’Inserm et de l’Université Cote d’Azur étudie depuis plusieurs années l’asymétrie droite-gauche afin de résoudre ces énigmes. Ces biologistes avaient identifié le premier gène contrôlant cette asymétrie chez la mouche du vinaigre (drosophile), l’un des organismes modèles préférés des biologistes. Plus récemment, l’équipe a montré que ce gène joue le même rôle chez les vertébrés : la protéine qu’il produit, la myosine 1D[1], contrôle l’enroulement ou la rotation des organes dans le même sens.

Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont induit la production de myosine 1D dans des organes normalement symétriques de la drosophile, comme les trachées respiratoires. De façon spectaculaire, cela a suffi à induire une asymétrie à tous les niveaux : cellules déformées, trachées s’enroulant sur elles-mêmes, organisme entier torsadé, et comportement de nage hélicoïdale des larves de mouches. Chose remarquable, ces nouvelles asymétries se développent toujours dans le même sens.

Afin d’identifier l’origine de ces effets en cascade, des biochimistes de l’université de Pennsylvanie ont apporté leur concours : ils ont mis en présence, sur une lame de verre, la myosine 1D et un composant du « squelette » des cellules, l’actine. Ils ont alors pu constater que l’interaction des deux protéines entraine un mouvement en spirale de l’actine.

Outre son rôle dans l’asymétrie droite-gauche chez la drosophile et les vertébrés, la myosine 1D apparaît donc comme une protéine unique capable à elle seule d’induire l’asymétrie à toutes les échelles, d’abord au niveau moléculaire, puis, par effet domino, cellulaire, tissulaire et comportemental.

Ces résultats suggèrent un mécanisme possible d’apparition soudaine de nouveaux caractères morphologiques au cours de l’évolution, comme par exemple la torsion du corps des escargots. La myosine 1D aurait toutes les caractéristiques requises pour l’émergence de cette innovation, puisque son expression suffit à elle seule à induire la torsion à toutes les échelles.

[1] Les myosines sont une classe de protéines qui interagissent avec l’actine (constituant du squelette des cellules ou cytosquelette). La plus connue d’entre elles, la myosine musculaire, est responsable de la contraction musculaire.

Paquets de tabac neutres : une politique de lutte contre le tabac efficace chez les adolescents

©Adobe Stock

Suite à l’instauration début 2017 des paquets de tabac neutres en France, les adolescents sont de moins en moins nombreux à fumer leur première cigarette. Ces résultats publiés dans la revue Tobacco Control, dans le cadre d’une étude menée par l’Inserm et financée par l’Institut national du cancer, montrent en effet que 1 jeune sur 5 de 12 à 17 ans a expérimenté le tabac en 2017 contre 1 jeune sur 4 en 2016. Cette enquête téléphonique ayant interrogé 2 000 adolescents avant la mise en place des paquets neutres et 2 000 autres exactement un an après, témoigne également d’un net recul de l’attractivité du tabagisme auprès des jeunes, soutenant ainsi l’efficacité de cette mesure sur un public particulièrement sensible au marketing.

Dans le cadre du renforcement de la campagne anti-tabac initiée en France fin 2016, les paquets de tabac neutres ont été instaurés sur le marché français au 1er janvier 2017. Ceux-ci ont tous la même forme, la même taille, la même couleur, la même typographie, sont dénués de logos et sont porteurs de nouveaux avertissements sanitaires visuels mettant en avant la dangerosité du tabagisme. Parmi les objectifs de cette uniformisation des packagings : la réduction de l’attractivité et la dénormalisation du tabagisme pour entraîner à terme la diminution du taux d’initiation au tabac, en particulier chez les jeunes de 12 à 17 ans, particulièrement sensibles au marketing.

Afin d’examiner l’impact de l’introduction des paquets neutres et des campagnes anti-tabac de 2016 sur la consommation tabagique des français et l’image qu’ils ont du tabac, l’Inserm et l’Institut national du cancer ont lancé en 2017 l’étude DePICT (Description des Perceptions, Images et Comportements liés au Tabac). Cette étude téléphonique a interrogé 2 vagues différentes de 6000 personnes représentatives de la population générale (4000 adultes et 2000 adolescents à chaque fois) – l’une juste avant la mise en place des paquets neutres, l’autre exactement un an après – sur leur perception du tabagisme.

Dans le cadre de DePICT, des chercheurs de l’Inserm au sein du laboratoire de recherches en épidémiologie sociale de l’Institut Pierre Louis d’épidémiologie et de santé publique (Inserm/Sorbonne Université) ont étudié plus spécifiquement les résultats de l’enquête chez les adolescents de 12 à 17 ans.

Les résultats de l’étude montrent qu’un an après la mise en place des paquets neutres, 1 jeune sur 5 (20,8%) a expérimenté le tabac pour la première fois contre 1 sur 4 (26,3%) en 2016 et ce, même en prenant en compte leurs caractéristiques démographiques et socio-économiques. Cette baisse est plus marquée chez les jeunes filles : 1 sur 10 (13,4%) contre 1 sur 4 (25,2%).

Les jeunes interrogés un an après le lancement des paquets neutres sont désormais également plus susceptibles de considérer le tabagisme comme dangereux (83,9% contre 78.9% en 2016) et de déclarer avoir peur de ses conséquences (73,3% contre 69,2%). Ils sont également moins susceptibles d’affirmer que leurs amis ou leur famille acceptent le tabagisme (16,2% contre 25,4% et 11.2% contre 24,6%). Les jeunes fumeurs sont également moins attachés à leur marque de tabac en 2017 par rapport à 2016 (23,9% contre 34,3%).

Selon les auteures de l’étude, Maria Melchior, chercheuse Inserm et Fabienne El-Khoury, post-doctorante, ces résultats « montrent que le paquet neutre pourrait contribuer à dénormaliser le tabac chez les jeunes et à en diminuer l’expérimentation ». Elles précisent que « l’effet global serait dû aux politiques de lutte contre le tabac incluant la mise en place des paquets neutres, l’augmentation de prix faites et annoncées, et les campagnes de sensibilisation.»

Les études à venir se concentreront sur l’impact de cette campagne de sensibilisation sur la consommation régulière de tabac chez les adolescents.

Cancer du foie et virus de l’hépatite C (VHC) : intérêt de maintenir dans des programmes de dépistage les patients cirrhotiques guéris de l’infection virale par interféron ou antiviraux directs

Le Pr Pierre Nahon, du service d’Hépatologie de l’hôpital Jean-Verdier, AP-HP et le Pr Etienne Audureau du service de Santé Publique de l’hôpital Henri-Mondor, AP-HP avec l’Université Paris 13, l’Inserm et Sorbonne Paris Cité, ont rapporté les résultats d’une étude prospective observationnelle réalisée au sein de la cohorte ANRS CO12 CirVir. Cette dernière décrit l’évolution de patients atteints de cirrhose compensée liée aux infections par le virus de l’hépatite C, inscrits dans des programmes de dépistage du cancer du foie ou carcinome hépatocellulaire (CHC) et traités par interféron avant 2014 ou antiviraux directs (AVD) depuis cette date. Les résultats, publiés dans la revue Gastroenterology en novembre 2018, montrent que si le risque de cancer du foie est fortement diminué après éradication virale chez ces malades, il persiste néanmoins et justifie de maintenir les patients avec cirrhose virale C guérie dans des programmes de dépistage. Cette étude confirme également les bénéfices de la guérison virologique sur le risque de cancérisation hépatique quel que soit le type de traitement antiviral. Les antiviraux directs (AVD) dirigés contre le virus de l’hépatite C (VHC) ont révolutionné la prise en charge des patients infectés depuis leur mise à disposition en 2014 en France. Assurant la guérison virologique chez près de 100% des patients aujourd’hui au prix de peu d’effets secondaires, leur bénéfice à long terme est encore inconnu. Le risque de cancer du foie ou carcinome hépatocellulaire (CHC) est la complication la plus redoutée chez ces patients lorsque le VHC a induit une cirrhose. Des données anciennes, obtenues avant l’ère des AVD lorsque les traitements à base d’interféron très contraignants ne permettaient de guérir que moins de 50% des patients, avaient suggéré une diminution du risque de CHC en cas d’éradication virologique. Par ailleurs, des rapports initiaux contradictoires associant des taux de cancers du foie paradoxalement élevés et la prise de ces AVD avaient semé le doute dans la communauté médicale. La cohorte ANRS CO12 CirVir est la plus ancienne cohorte prospective de patients infectés par les virus des hépatites B et C soutenue par l’ANRS[1]. Entre Mars 2006 et Décembre 2012, 1 353 patients avec cirrhose, non compliquée et histologiquement prouvée ayant pour origine une infection par le virus de l’hépatite C ont été inclus dans 39 centres français. Tous ces patients ont été inscrits dans des programmes de dépistage du CHC comme cela est recommandé, avec réalisation d’une échographie du foie tous les 6 mois. Les patients ont été suivis jusqu’en décembre 2016, ce qui permet l’analyse avec un recul médian de plus de 5 ans. Les chercheurs ont pu analyser l’incidence du CHC au cours des deux ères thérapeutiques successives (interféron puis AVD). Les analyses confirment que si le risque de cancer du foie est fortement diminué après éradication virale quel que soit le type de traitement (il est divisé par un facteur 4 environ), il persiste néanmoins et justifie de maintenir dans des programmes de dépistage les patients avec cirrhose virale C guérie. Les données de la cohorte CirVir rapportées dans cette étude ont par ailleurs permis d’apporter des réponses concernant le risque de cancer du foie sous AVD. Ce dernier n’est en effet pas augmenté par rapport à l’ère de l’interféron lorsqu’un certain nombre de facteurs confondants sont pris en compte dans les analyses. Ces résultats sont d’autant plus rassurants qu’ils ont été observés dans une cohorte prospective multicentrique suivie sur le long terme, ce qui a permis la réalisation d’analyses statistiques complexes et exhaustives au cours de différentes ères thérapeutiques. La cohorte ANRS CO12 CirVir, de par son caractère longitudinal prospectif, a permis ces dernières années d’étudier les facteurs associés à la survenue des principales complications cliniques chez les patients avec cirrhose. Près d’une vingtaine de travaux basés sur les données recueillies prospectivement dans l’ensemble des services d’Hépatologie du territoire sur 10 ans ont été publiés dans des revues internationales et couvrent des champs aussi larges que le carcinome hépatocellulaire, les infections bactériennes, les cancers extra-hépatiques ou les pathologies cardio-vasculaires.

[1] La cohorte ANRS CO12 CirVir, cohorte prospective multicentrique de patients atteints de cirrhose virale B et/ou C non compliquée, a été initiée en 2006 et a inclus 1 822 patients. Le suivi des patients a pris fin en 2017 et une grande partie d’entre eux ont désormais été inclus dans la cohorte ANRS CO22 HEPATHER.

Une nouvelle voie pour moduler la réponse immunitaire anti-tumorale

Cellules cancéreuses d’un mélanome.  Inserm/Valencia, Julio C., 2018

Des chercheurs de l’Inserm, du CNRS, de l’Université Paris-Sud, de Gustave Roussy et de l’Institut Curie ont identifié un nouvel acteur dans la régulation de l’expression du gène PD-L1 : il s’agit du complexe eIF4F dont le rôle est de contrôler la fabrication des protéines.

Ce complexe pourrait devenir un marqueur prédictif de réponse aux traitements par immunothérapie. Par ailleurs, les chercheurs montrent pour la première fois qu’en inhibant ce complexe eIF4F, on obtient un effet anti-tumoral qui est lié à la diminution de l’expression de PD-L1, et qui fait donc intervenir le système immunitaire. 

Ils espèrent pouvoir utiliser des inhibiteurs d’eIF4F comme agents anti-cancéreux dans le futur, seuls ou plus probablement en combinaison avec d’autres traitements. 

Le système immunitaire, qui assure notre défense contre les maladies, paraissait désarmé il y a encore quelques années pour combattre le cancer. Les avancées en immunothérapie permettent de corriger cette déficience : il est désormais possible d’apprendre au système immunitaire à reconnaître et à détruire les cellules cancéreuses. Les lymphocytes retrouvent alors leur capacité initiale à combattre la tumeur au lieu de la protéger.

Exprimée à la surface des lymphocytes T, la molécule PD-1 (programmed cell death) se lie à une autre molécule présente à la surface de certaines cellules tumorales ou immunitaires, PD-L1. Cette interaction rend, en quelque sorte, la cellule tumorale invisible au système immunitaire, en désactivant (ou désarmant) le lymphocyte T. 

Depuis quelques années, les traitements par immunothérapies ciblant l’interaction entre PD-L1 et PD-1 ont révolutionné la prise en charge du mélanome et d’autres cancers.

Cependant de nombreux patients ne répondent pas au traitement. Ces molécules sont très efficaces pendant plusieurs mois ou années mais chez seulement 10 à 20% des patients, tous types de cancers confondus.

« Le développement de biomarqueurs est donc un enjeu majeur pour être capable d’identifier les patients susceptibles de répondre au traitement » explique le Pr Caroline Robert, chef du service de dermatologie à Gustave Roussy.

« Une quantité élevée de PD-L1 dans les tumeurs est un indicateur important car elle est souvent associée à de bonnes réponses aux anti-PD1. Cependant, les mécanismes de la régulation de l’expression de PD-L1 ne sont pas complètement connus » précise Stephan Vagner, directeur de recherche Inserm et chef de l’équipe Biologie de l’ARN à l’Institut Curie.

Dans cette nouvelle publication, les chercheurs montrent pour la première fois qu’un complexe appelé eIF4F, qui est impliqué dans la phase d’initiation de la traduction des ARN messagers en protéines, régule l’expression de PD-L1 et qu’en ciblant eIF4F dans les cellules tumorales, il est possible de stimuler l’immunité anti-tumorale mimant ainsi l’effet d’une immunothérapie.

Dans cette étude, les chercheurs ont principalement utilisé le mélanome comme modèle mais ils ont également réalisé des expériences avec des cellules de cancer du poumon, du sein et du colon.

Ils vont maintenant évaluer l’apport de l’étude de la formation du complexe eIF4F en tant que marqueur prédictif de réponse aux traitements par immunothérapie.

Ils développent par ailleurs des modèles de traitements de mélanome reposant sur l’utilisation d’inhibiteurs du complexe eIF4F en combinaison avec d’autres traitements afin d’augmenter l’efficacité thérapeutique et de lutter contre les résistances. 

                                               

Cette étude a été soutenue par l’Inserm, le CNRS, Gustave Roussy et l’Institut Curie. Elle est également financée grâce à la Ligue Nationale Contre le Cancer (Equipe labellisée), l’Institut National du Cancer, le collectif ‘Ensemble contre le mélanome’ et l’association ‘Vaincre le Mélanome’, le SIRIC Socrate, la Fondation Bettencourt Schueller et la Fondation ARC pour la Recherche sur le Cancer.
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